Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/259

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Quant à elle, comme si elle se trouvait fatiguée de l’amusement qu’elle avait d’abord trouvé à converser avec Wayland, elle lui souhaita le bonsoir, et s’achemina nonchalamment vers la maison, ôtant ainsi au brave messager tout moyen de lui parler en particulier. Il essaya cependant d’obtenir une explication de Jeannette.

« Jeune fille, dit-il, tu as l’air d’aimer ta maîtresse. Elle a besoin d’être servie fidèlement.

— Et elle le mérite de ma part, répondit la jeune fille. Mais pourquoi cette question ?

— Jeune fille, je ne suis point ce que je parais être, » dit le colporteur en baissant la voix.

« Raison de plus pour que vous ne soyez pas honnête homme, dit Jeannette.

— Raison de plus pour l’être, répondit Wayland, puisque je ne suis point colporteur.

— Sors donc d’ici à l’instant, ou j’appellerai du secours, dit Jeannette ; mon père doit être de retour.

— Ne sois pas si prompte, dit Wayland, tu pourrais avoir sujet de t’en repentir. Je suis un des amis de ta maîtresse ; elle a trop besoin d’amis pour que tu cherches à perdre ceux qu’elle a.

— Comment pourrai-je en avoir la certitude ? dit Jeannette.

— Regarde-moi en face, dit Wayland, et vois si tu ne lis pas la loyauté dans mes regards. »

Et dans le fait, quoique sa figure ne fût nullement belle, il y avait dans sa physionomie cette expression fine d’un génie inventif et d’une prompte intelligence qui, jointe à des yeux vifs et brillants, à une bouche bien faite et à un sourire spirituel, donne souvent de la grâce et de l’intérêt à des traits communs et irréguliers. Jeannette le regarda avec la simplicité maligne de sa secte et répondit : « Malgré l’honnêteté dont tu te vantes, l’ami, et quoique je ne sois pas accoutumée à lire et à juger des livres de l’espèce de celui que tu soumets à mon jugement, je crois reconnaître dans ta figure quelque chose du coquin.

— Du moins sur une petite échelle, sans doute, « dit Wayland Smith en riant. « Mais ce soir ou demain il viendra ici avec ton père un vieillard qui a la démarche hypocrite du chat, l’œil méchant et vindicatif du rat, la fourberie canine de l’épagneul, et la dent impitoyable du dogue. Prenez-garde à lui, pour votre maîtresse et pour vous. Vois-tu, belle Jeannette, il cache le venin de l’aspic sous les formes innocentes de la colombe. Quels sont préci-