Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/261

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pas boire entre quatre murs avec ce démon d’empoisonneur, de peur d’être suffoqué par les vapeurs de l’arsenic ou du vif-argent ; j’ai appris de ce drôle de Varney à me tenir sur mes gardes.

— Allez lui chercher du vin, au nom de tous les diables ! dit l’alchimiste.

— Ah, ah ! et tu voudrais me l’épicer, monsieur l’honnête homme, n’est-ce pas ? Oui, tu me ferais avaler de la couperose, de l’ellébore, du vitriol, de l’eau-forte, et vingt autres drogues infernales qui fermenteraient dans ma tête comme un charme pour faire sortir le diable du chaudron d’une sorcière. Remets-moi le flacon toi-même, vieux Tony Allume-Fagots, et qu’il soit frais ; je ne veux pas de vin chauffé au bûcher des évêques. Mais non, arrête… que Leicester soit roi, s’il le veut… fort bien… et Varney, ce scélérat de Varney, grand visir… parfait !… moi, que serai-je à mon tour ?… Je serai empereur, l’empereur Lambourne !… Je verrai cette merveille de beauté qu’ils ont cloîtrée ici pour leurs plaisirs secrets… Je veux que ce soir même elle me présente le verre et me mette mon bonnet de nuit. Que ferait un homme de deux femmes, fût-il vingt fois comte ? Réponds-moi, Tony, mon garçon, toi, vieux chien d’hypocrite, réprouvé que Dieu a rayé du livre de vie, et qui es tourmenté du désir constant d’y être rétabli… Réponds-moi, vieux brûleur d’évêques, blasphémateur enragé.

— Je ne sais ce qui me retient de lui plonger mon couteau dans le ventre jusqu’au manche, » dit à voix basse Foster qui tremblait de colère.

« Pour l’amour du ciel, point de violence, dit l’astrologue, nous ne saurions être trop circonspects… Viens ici, honnête Lambourne : veux-tu boire avec moi à la santé du noble comte de Leicester et de M. Richard Varney ?

— Je le veux bien, mon vieil Albumazar, je le veux bien, mon vieux vendeur de mort-aux-rats… Je t’embrasserais, mon honnête infracteur de la loi Julia (comme ils disent à Leyde), si tu ne sentais si horriblement le soufre et tant d’autres drogues de la boutique du diable… Allons, haut le coude ! à Varney et à Leicester !… ces deux nobles ambitieux, qui font servir l’enfer à leur malice, pour qui la terre et le ciel, ces deux mécréants… suffit ; je n’en dis pas davantage ; mais j’aiguiserai mon poignard sur le cœur de celui qui refusera de me faire raison. Ainsi donc, mes maîtres… »

En parlant ainsi, il vida la coupe que l’astrologue lui avait présentée, et qui contenait non du vin, mais une liqueur spiritueuse.