Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/262

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Il prononça à demi un jurement, laissa échapper de sa main la coupe vide, porta sa main sur son sabre sans pouvoir le tirer, trébucha, et tomba sans connaissance ni mouvement dans les bras du domestique, qui l’emporta dans sa chambre et le mit au lit.

Au milieu de la confusion générale, Jeannette regagna la chambre de sa maîtresse sans être vue. Tremblante comme une feuille, elle n’en était pas moins déterminée à cacher à sa maîtresse les soupçons terribles qu’elle n’avait pu s’empêcher de concevoir en entendant les extravagances de Lambourne. Ses craintes, cependant, quoiqu’elles n’eussent pas le caractère d’une certitude, s’accordaient avec les avis du colporteur ; et elle confirma sa maîtresse dans son projet de prendre le remède que cet homme lui avait recommandé, ce dont elle l’eût probablement détournée dans tout autre cas.

Les révélations de Lambourne n’avaient pas non plus échappé aux oreilles de Wayland, qui était bien plus habile à les interpréter. Il ressentit une vive compassion en voyant une aussi aimable créature que la comtesse, cette femme qu’il avait vue autrefois au sein du bonheur domestique, exposée aux machinations d’une pareille bande de scélérats. Ses sens aussi avaient été fortement émus en entendant la voix de son ancien maître contre lequel il nourrissait au même degré tout ce que la haine et la crainte peuvent inspirer de passions. Mais en même temps il était fier de son art et des ressources de son esprit ; et quelque périlleuse que fût cette tâche, il n’en forma pas moins, ce soir-là même, la résolution de pénétrer le fond du mystère, et de secourir les malheureux, si la chose était encore possible. D’après quelques paroles qui étaient échappées à Lambourne au milieu de ses divagations, Wayland, pour la première fois, se sentit disposé à douter que Varney eût agi pour son propre compte en courtisant et séduisant cette charmante créature. La renommée publiait que ce zélé serviteur avait antérieurement servi son maître dans ses intrigues amoureuses ; et l’idée vint à Wayland Smith que Leicester pouvait être la partie la plus intéressée dans cette affaire. Il ne put toutefois soupçonner que le comte l’eût épousée ; mais la seule découverte d’une intrigue passagère avec une femme du rang d’Amy Robsart était un secret d’où pouvait dépendre la stabilité de l’ascendant du favori sur Élisabeth. « Si Leicester, se disait-il, pouvait hésiter à étouffer un pareil bruit par des moyens violents, il a autour de lui des gens qui lui rendraient ce service sans attendre son consentement. Si je veux me