Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/263

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mêler de cette affaire, je dois procéder comme mon maître quand il compose sa manne de Satan, en me mettant un masque sur le visage. Je dirai donc adieu demain à Giles Gosling, et je changerai d’allure et de gîte aussi souvent qu’un renard pressé par le chasseur. Je désirerais pourtant revoir encore une fois cette petite puritaine. Elle me semble bien jolie et bien intelligente, pour être née d’un drôle comme ce Tony Allume-Fagots. »

Giles Gosling reçut les adieux de Wayland avec plus de joie que de chagrin. L’honnête aubergiste voyait tant de péril à traverser les projets du favori du comte de Leicester, que sa vertu suffisait à peine à le soutenir dans la tâche qu’il avait entreprise, et il éprouva un singulier plaisir à voir qu’il allait en être débarrassé. Toutefois, il protesta encore de sa bonne volonté, et de son empressement à seconder, en cas de besoin, M. Tressilian ou son émissaire, autant du moins que le lui permettait son caractère d’aubergiste.




CHAPITRE XXI.

LE BILLET.


L’impatiente ambition qui dépasse le but, et tombe de l’autre côté.
Shakspeare. Macbeth.


La splendeur des fêtes qui allaient avoir lieu à Kenilworth était alors le sujet des conversations de toute l’Angleterre ; et à l’intérieur comme à l’extérieur on rassemblait tout ce qui pouvait ajouter à l’éclat et à la magnificence de la réception d’Élisabeth dans le château de son premier favori. Cependant Leicester paraissait faire, chaque jour, de nouveaux progrès dans le cœur de la reine. Au conseil il était toujours à ses côtés ; dans les moments d’amusement de la cour, toujours écouté avec plaisir… Sa faveur avait presque le caractère d’une intimité familière. Recherché par tous ceux qui avaient quelque chose à espérer de la reine, courtisé par les ministres étrangers qui lui apportaient de la part de leurs souverains les témoignages de respect les plus flatteurs, il paraissait l’alter ego de la superbe Élisabeth, qui, à ce qu’on croyait généralement, attendait le moment et l’occasion de l’associer par le mariage à sa puissance souveraine.