Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/299

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— Fort bien, répondit Wayland ; va pour pois, quoique lard eût été un meilleur mot de passe. »

Wayland, qui pendant ce temps-là était monté sur son cheval, prit les rênes du palefroi de la main incertaine du jeune homme qui hésitait encore, lui jeta une petite pièce de monnaie, et regagna le temps perdu en partant au trot sans plus d’explication. Le jeune paysan continua à rester au pied de la colline que nos voyageurs gravissaient, et Wayland, en se retournant, l’aperçut les doigts dans ses cheveux, immobile comme un terme, et la tête tournée du côté où ils fuyaient. Enfin, au moment où ils arrivèrent au haut de la colline, le maréchal-ferrant vit le lourdaud se baisser pour ramasser le groat d’argent dont l’avait gratifié sa munificence.

« Voilà ce qui s’appelle un présent du ciel, dit Wayland ; c’est une jolie bête, d’une allure charmante, et qui nous conduira jusqu’à ce que nous trouvions à vous monter aussi bien ; alors nous la renverrons pour faire cesser les menaces et les cris. »

Mais il fut trompé dans son attente, et la fortune, qui d’abord avait semblé le favoriser, menaça bientôt de changer en une cause de ruine l’incident inespéré dont il se montrait si glorieux.

Ils n’étaient pas encore à un mille de l’endroit où ils avaient laissé le jeune garçon, qu’ils entendirent la voix d’un homme qui criait derrière eux dans la direction de leur fuite : « Au voleur ! au voleur ! arrête, coquin ! etc. ; » clameurs qui, ainsi que la conscience de Wayland ne le lui apprenait que trop bien, étaient le résultat de sa belle équipée.

« J’aurais mieux fait d’aller pieds nus toute ma vie, dit-il ; c’est le cri de haro, je suis un homme perdu. Ah ! Wayland, Wayland ! que de fois ton père t’a dit que la chair de cheval serait la cause de ta mort ! Que je me retrouve sain et sauf parmi les amateurs de courses de Smithfield et de Turnball-Street, et je veux qu’ils me pendent aussi haut que le coq de Saint-Paul, si jamais je me mêle des affaires des nobles, des chevaliers et des dames de qualité. »

Au milieu de ces tristes réflexions, il tourna la tête à plusieurs reprises pour voir qui le poursuivait, et il fut singulièrement rassuré quand il découvrit qu’il n’y avait qu’un seul cavalier. Pourtant il était bien monté, et il s’avançait avec une rapidité qui ne lui laissait nul espoir d’échapper, quand même les forces de la comtesse lui eussent permis de supporter toute la vitesse du galop de son cheval.

La partie n’est pas trop mauvaise, pensa Wayland, puisqu’il y a