Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/316

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monument de la splendeur des temps chevaleresques, qui jusqu’à nos jours a résisté aux injures du temps) avait reçu la nuit précédente la reine Élisabeth : elle devait s’y arrêter jusqu’après midi, heure à laquelle on dînait alors dans toute l’Angleterre, comptant ensuite se remettre en route pour Kenilworth. À mesure que nos voyageurs avançaient, ils ne rencontraient pas de groupe qui n’eût quelque chose à dire à la louange de la reine ; toutefois ce n’était pas sans y mêler un peu de cette satire obligée par laquelle nous manifestons d’ordinaire le plus ou moins d’estime que nous faisons des autres, surtout s’il leur arrive d’être nos supérieurs. »

« Avez-vous entendu, disait l’un, quelles gracieuses paroles elle a adressées à M. le bailli, au greffier et à ce bon M. Griffin le prédicateur, quand ils se sont mis à genoux à la portière de sa voiture ?

— Oui, et comme elle a dit au petit Aglionby : « Monsieur le greffier, on voudrait me persuader que vous avez peur de moi : mais vous m’avez si bien fait l’énumération de toutes les vertus d’un souverain, que je crois vraiment que j’ai encore plus sujet d’avoir peur de vous. » Et puis avec quelle grâce elle a pris la belle bourse où étaient les vingt souverains d’or ; elle semblait ne la prendre qu’à regret, et cependant elle l’a prise.

— Oui, oui, disait un autre, il m’a semblé que ses doigts la serraient assez volontiers quand elle l’a tenue ; et il m’a semblé aussi qu’elle la pesait un moment comme pour dire : « J’espère qu’ils sont de poids. »

— Il n’en était pas besoin, mon cher voisin, disait un troisième ; c’est seulement quand la corporation solde les comptes d’un pauvre artisan comme moi, qu’elle les renvoie avec des pièces rognées. C’est fort bien, après tout : le petit greffier, puisqu’on l’appelle ainsi, va être maintenant plus grand que jamais.

— Allons, mon bon voisin, dit le premier interlocuteur, ne soyez pas jaloux… c’est une bonne reine, une reine généreuse… elle a donné la bourse au comte de Leicester.

— Moi jaloux ! le diable t’emporte pour un pareil mot, répondit l’artisan ; mais bientôt elle donnera tout au comte de Leicester, je crois. »

« Vous vous trouvez mal, madame, » dit Wayland Smith à la comtesse de Leicester, et il lui proposa de s’écarter de la route et de faire halte jusqu’à ce qu’elle fût remise. Mais elle se fit violence en cette occasion, comme en entendant d’autres discours du même genre qui frappèrent son oreille le long de la route ; seule-