Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/331

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peur qu’il ne te dépouillât de tes vêtements, et ne t’avalât comme les autres pèlent et croquent un marron rôti.

— S’il l’eût fait, répliqua l’enfant, il aurait eu plus de cervelle dans son ventre qu’il n’en a jamais eu dans la tête. Mais le géant est un monstre courtois, et plus reconnaissant que bien d’autres que j’ai tirés d’embarras, maître Wayland Smith !

— Le diable m’emporte, Flibbertigibbet, tu es plus tranchant qu’un couteau de Sheffield ! Je voudrais bien savoir par quel charme tu es parvenu à museler ce vieil ours.

— Ah ! voilà bien comme vous êtes, répondit Dickie, vous croyez que de belles paroles peuvent suppléer à la bonne volonté. Pour ce qui est de cet honnête portier, il faut que vous sachiez que, lorsque vous vous présentâtes à sa porte, sa cervelle était bouleversée par un discours qu’on lui avait préparé et qui était au-dessus de ses facultés gigantesques. Or ce chef-d’œuvre d’éloquence ayant été composé, comme plusieurs autres, par mon savant maître Erasmus Holyday, je l’ai entendu assez souvent pour me le rappeler mot pour mot. Aussitôt que j’entendis notre géant marmotter sa leçon, et que je le vis au premier vers se démener comme un poisson sur le sable, et puis rester tout court, je reconnus tout de suite où le bât le blessait. Je lui soufflai donc le mot suivant, et transporté de joie, il me prit dans ses bras comme vous l’avez vu. Je lui promis, s’il voulait vous laisser entrer, de me cacher sous sa peau d’ours, et d’aider sa mémoire dans le moment critique. Je viens de prendre un peu de nourriture dans le château, et je me dispose à retourner près de lui.

— C’est juste, c’est juste, mon cher Dickie, répondit Wayland ; dépêche-toi pour l’amour du ciel, autrement le pauvre géant serait dans la plus grande désolation de se voir privé du secours de son nain. Alerte donc, Dickie !

— Oui, oui, répondit l’enfant, alerte, Dickie ! quand on a obtenu de lui tout ce qu’on en pouvait tirer. Ainsi donc vous ne voulez pas m’apprendre l’histoire de cette dame, qui est votre sœur comme moi ?

— Eh ! quel profit en résulterait-il pour toi, impertinent lutin ? dit Wayland.

— C’est tout ce que vous avez à dire ? reprit l’enfant : fort bien, je ne m’en soucie guère… Seulement sachez que je ne flaire jamais un secret que je ne le tire au clair du bon ou du mauvais côté, et là-dessus je vous souhaite le bonsoir.