Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/348

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plutôt d’homme ivre, elles ne luisent, mon brave Lawrence, que pour empêcher d’honnêtes garçons comme moi de tomber dans l’eau. À la bonne heure, qu’il se passe ses fantaisies, il est assez grand pour pouvoir le faire. Et puis, vois-tu, il y en a un autre, un homme instruit, je t’assure, qui crache du grec et de l’hébreu, comme moi du latin de cuisine ; il a un système de sympathies et d’antipathies ; il prétend changer du plomb en or, etc. Mais laissons-le payer de ses transmutations ceux qui sont assez fous pour le prendre pour comptant… Puis tu viens après eux, toi aussi, grand homme, qui n’es ni savant ni noble, mais qui as six pieds de haut, et je te vois, aussi peu clairvoyant qu’une taupe, croire aux esprits, aux revenants, et autres choses semblables… Il y a encore un grand homme, c’est-à-dire un petit homme, ou plutôt un petit grand homme, mon cher Lawrence, et son nom commence par un V… Celui-ci, que croit-il ? rien sur la terre, ni dans le ciel, ni dans l’enfer ; et, pour ma part, si je crois qu’il y a un diable, c’est seulement parce que je pense qu’il doit y avoir quelqu’un pour empoigner notre ami par les épaules, « quand l’âme et le corps se sépareront », comme dit la ballade ; car il ne peut y avoir d’antécédent sans conséquent… rarò antecedentem… avait coutume de dire le docteur Breham. Mais ceci est du grec pour toi, mon brave Lawrence, et, au fait, la science est une chose insipide… Donne-moi encore le pot.

— Sur ma foi, Michel, si tu bois davantage, dit le geôlier, tu te trouveras dans un fâcheux état, soit que tu joues Orion, soit que tu accompagnes ton maître dans cette soirée de grande solennité ; et je m’attends à tout moment à entendre la grosse cloche nous appeler à la tour de Mortimer, pour y recevoir la reine. »

Tandis que Staples lui faisait ses remontrances, Lambourne buvait ; mais quittant enfin le pot, qui était presque vide, il dit, en poussant un profond soupir, et d’une voix sourde qui bientôt s’éleva à mesure qu’il parlait : « N’aie pas peur, Lawrence : si je suis ivre, je sais ce que j’ai à faire pour que Varney ne s’en aperçoive pas. Mais, comme je te l’ai déjà dit, n’aie pas peur, Lawrence, je sais porter mon vin. D’ailleurs, je dois aller sur l’eau comme Arion, et je m’enrhumerais si je ne prenais d’avance quelques réconfortants. Je ne jouerai pas Arion ! Certes le plus habile braillard qui ait jamais fatigué ses poumons pour douze sous, n’aurait pas l’avantage sur moi. Que m’importe qu’ils me voient un peu gris ? Y a-t-il un seul homme qui doive s’abstenir de boire aujourd’hui ? réponds-moi :