Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/382

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combien son sort pourrait dépendre de sa fermeté, elle pria intérieurement le ciel de lui accorder la grâce de conserver l’énergie de ses facultés de corps et d’esprit, et résolut de ne s’abandonner à aucune impulsion nerveuse qui pourrait ébranler l’une et l’autre.

Cependant, quand la grande cloche du château, qui était placée dans la tour de César, à peu de distance de celle de Mervyn, commença à faire entendre son bruyant tintement, signal de l’arrivée du cortège royal, ces sons pénétrèrent si douloureusement à ses oreilles rendues plus sensibles par l’inquiétude qui l’agitait, qu’elle eut de la peine à s’empêcher de pousser un cri d’angoisse à chaque coup étourdissant de l’impitoyable cloche.

Bientôt après, quand le petit appartement fut soudainement illuminé par la pluie de feux d’artifice dont l’air fut tout-à-coup rempli, et qui se croisaient les uns les autres comme des esprits infernaux dont chacun remplissait une mission séparée, ou comme des salamandres exécutant une danse fantastique dans la région des sylphes, la comtesse éprouva d’abord la même sensation que si chaque fusée passait devant ses yeux et venait lancer ses éclats et ses étincelles assez près d’elle pour qu’elle en sentît la chaleur ; mais elle lutta contre ces terreurs imaginaires, et faisant effort sur elle-même, elle s’approcha de la croisée, regarda au dehors et contempla un spectacle qui dans tout autre moment lui aurait paru aussi beau qu’effrayant. Les superbes tours du château étaient couronnées de guirlandes de feu, ou surmontées de diadèmes de pâle fumée. La surface du lac étincelait comme du fer fondu, tandis que plusieurs pièces d’artifice, qui, bien que très communes maintenant, étaient regardées alors comme fort étonnantes, et dont la flamme continuait à subsister dans l’autre élément, s’y plongeaient et en sortaient alternativement, sifflaient, et vomissaient la flamme comme autant de dragons enchantés se jouant sur une mer de feu.

Amy elle-même regarda un moment avec intérêt un spectacle si nouveau pour elle. « J’aurais cru que c’était l’effet d’un art magique, se dit-elle ; mais j’ai appris du pauvre Tressilian à juger ces choses ce qu’elles sont réellement. Grand Dieu ! ces vaines splendeurs ne ressembleraient-elles pas au bonheur dont je m’étais flattée, et celui-ci n’est-il aussi qu’une étincelle immédiatement engloutie par les ténèbres qui l’environnent, une clarté précaire qui ne s’est élevée un moment dans l’air que pour retomber plus bas ! Leicester, tu avais tant dit, tant juré qu’Amy était ton amour, ta vie ; est-il possible que tu sois le magicien dont le moindre signe fasse