Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/386

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— Je le ferai, ma belle, quand nous serons fatigués l’un de l’autre, pas une minute plus tôt. » Il la saisit par le bras, tandis qu’incapable de se défendre davantage elle ne cessait de crier. « Allons, allons ! criez tant qu’il vous plaira, » dit-il en continuant de la tenir d’une main ferme ; « j’ai entendu les mugissements de la mer au plus fort de la tempête, et je me soucie autant d’une femme qui crie que d’un chat qui miaule ; Dieu me damne ! j’en ai entendu crier cinquante et même plus de cent à la fois au sac d’une ville. »

Les cris de la comtesse, cependant, lui procurèrent un secours inattendu dans la personne de Lawrence Staples qui, ayant entendu ses exclamations de l’appartement au-dessous, arriva à temps pour la préserver d’être reconnue, peut-être même pour la sauver de la plus atroce violence. Lawrence était ivre aussi des débauches de la nuit précédente, mais heureusement son ivresse avait pris un cours différent de celle de Lambourne.

« Quel diable de bruit fait-on dans ce quartier ? Quoi ! un homme et une femme ensemble dans la même cellule ? c’est contre la règle de la décence dans mon département, par saint Pierre-ès-liens !

— Descends-moi l’escalier, animal d’ivrogne, dit Lambourne ; ne vois-tu pas que la dame et moi voulons être seuls ?

— Mon bon monsieur, mon digne monsieur, » dit la comtesse en s’adressant au geôlier, « sauvez-moi de ses mains, au nom de la miséricorde !

— Elle parle bien, dit le geôlier, et je veux prendre son parti. J’aime mes prisonniers, et j’ai sous ma clef des prisonniers qui valent ceux qu’on peut avoir à Newgate et au Compter. Ainsi, puisqu’elle fait partie de mon troupeau, personne ne viendra la troubler dans la bergerie ; lâchez-moi donc cette femme, ou je vous ferai sauter la cervelle avec mes clefs ?

— Je ferai un boudin de ton diaphragme, » répondit Lambourne en mettant la main gauche sur son poignard, mais en tenant toujours de la droite la comtesse par le bras. « Ainsi prends garde à toi, vieille autruche, qui ne vis que d’un trousseau de clefs. »

Lawrence saisit le bras de Michel et l’empêcha de tirer son poignard ; et comme Lambourne luttait et tentait de s’en débarrasser, la comtesse de son côté fit un effort soudain, et glissant sa main hors du gant par lequel le garnement la tenait encore, elle recouvra la liberté, s’enfuit de l’appartement, et se mit à descendre l’escalier de toute sa vitesse. Au même instant elle entendit les deux combattants tomber sur le plancher avec un bruit qui augmenta sa