Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/40

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à nous refuser l’entrée à tous deux, comme cela pourrait bien arriver si la visite de cet animal de mercier lui a donné de l’inquiétude. Mais non, » dit-il en poussant un des énormes battants qui céda sur-le-champ ; « la porte est ouverte, et nous invite à entrer ; et nous voici sur le terrain défendu, sans avoir trouvé d’autre obstacle que la résistance passive d’une lourde porte de chêne tournant sur des gonds rouillés. »

Ils suivaient alors une avenue qu’ombrageaient de vieux arbres comme ceux que nous avons décrits, et qui autrefois avait été bordée par de grandes haies d’ifs et de houx. Mais ces arbustes, n’ayant point été taillés depuis bien des années, s’étaient élevés comme autant de buissons ou plutôt d’arbres nains, et leurs rameaux sombres et mélancoliques avaient empiété sur le chemin, que jadis ils se contentaient de protéger de leur feuillage. L’avenue elle-même, où de toutes parts croissait l’herbe, était, dans deux ou trois endroits, traversée par des piles de branchages qui provenaient des arbres du parc, et qu’on y avait entassées pour les faire sécher. Plusieurs allées qui, en divers endroits, coupaient cette issue principale, étaient en quelque sorte obstruées par des monceaux de fagots et de grosses bûches, ou par des broussailles et des ronces. Indépendamment de ce sentiment d’affliction que l’on ressent si vivement partout où l’on voit les ouvrages de l’homme dégradés ou détruits faute de soins, et les traces de la vie sociale effacées graduellement par l’influence de la végétation, la hauteur des arbres, et l’immense ombrage de leurs branches, répandaient la tristesse sur ce lieu, même quand le soleil était à son plus haut point, et produisaient une impression pénible sur l’esprit de ceux qui le visitaient. Cette émotion, Michel Lambourne lui-même l’éprouva, quelque peu accoutumé qu’il fût à ressentir aucune impression, excepté de ce qui touchait directement à ses passions.

« Ce bois est sombre comme la gueule d’un loup, » dit-il à Tressilian tandis qu’ils s’avançaient lentement à travers cette avenue solitaire, à l’extrémité de laquelle ils découvraient la façade monastique d’un vieux manoir, avec ses fenêtres cintrées, ses murs en briques couverts de lierre et de plantes grimpantes, et ses grands tuyaux de cheminées en solide maçonnerie. « Et cependant, ajouta-t-il, Foster n’a pas tout-à-fait tort, car puisqu’il ne veut pas de visites, il est naturel qu’il laisse son habitation dans un état qui invite peu de personnes à venir troubler son intérieur. Mais s’il était encore le Foster que j’ai connu autrefois, il y a long-temps que ces