Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/424

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cet abominable scélérat, je dévoilerais toute la vérité au pied du trône d’Élisabeth, et j’appellerais à la fois sa vengeance sur leur tête et sur la mienne. »

Varney vit avec beaucoup d’inquiétude que son maître était parvenu à un tel point d’agitation que, s’il ne lui cédait pas, il était capable de suivre la résolution désespérée qu’il annonçait, et qui amènerait la ruine immédiate de tous les projets d’ambition qu’il avait formés pour le comte et pour lui. Mais la rage de Leicester paraissait à la fois furieuse et profondément concentrée ; et tandis qu’il parlait, ses yeux lançaient des éclairs : l’excès de sa fureur faisait trembler sa voix, et une légère écume se montrait sur ses lèvres.

Son confident fit une tentative hardie et qui lui réussit, pour obtenir de l’ascendant sur lui dans ce moment de violente émotion. « Milord, » lui dit-il en le conduisant devant une glace, « regardez votre image dans ce miroir, et jugez si les traits décomposés qu’il réfléchit appartiennent à quelqu’un qui, dans une pareille extrémité, soit capable de prendre une résolution par lui-même.

— Eh bien ! que voudrais-tu donc faire de moi ? » dit Leicester frappé du changement de sa physionomie, quoique offensé de la liberté de Varney. « Dois-je être ton pupille, ton vassal, le sujet et l’esclave de mon serviteur ?

— Non, milord, » répondit Varney avec fermeté, « mais soyez maître de vous-même et de vos passions. Milord, moi, né votre vassal, je suis honteux de voir le peu de fermeté que vous opposez aux orages des passions. Allez aux pieds d’Élisabeth, accusez votre femme et son amant d’adultère ; reconnaissez-vous au milieu de tous vos pairs pour une dupe qui, ayant épousé une campagnarde, a été trompé par elle et par son galant érudit. Allez, milord ; mais auparavant recevez les adieux de Richard Varney, et reprenez tous les bienfaits que vous lui accordâtes jusqu’à ce jour. Il servait le noble, le superbe, le magnanime Leicester, et il était plus fier de dépendre de lui que de commander à des milliers d’hommes. Mais le faible lord qui plie à chaque circonstance contraire, et dont les résolutions judicieuses se dissipent dans l’agitation tumultueuse de ses passions, comme la paille chassée par le vent, n’est pas le maître de Richard Varney. Ce dernier est autant au-dessus de lui par la force d’âme qu’il lui est inférieur par la fortune et par le rang. »

Varney parla ainsi sans hypocrisie, car bien que la fermeté d’esprit dont il se vantait fût de la dureté et de l’inflexibilité, cependant il se sentait réellement l’ascendant dont il faisait gloire, et