Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/448

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devait résulter de cette bataille ; car beaucoup de ces champions malencontreux ne savaient pas nager, et ceux qui le savaient étaient trop embarrassés de leur équipement de cuir et de leurs armures de carton pour en profiter : mais ce cas avait été prévu, et il y avait plusieurs bateaux tout prêts à recueillir les guerriers infortunés et à les ramener sur la terre ferme, où, tout dégoutants d’eau et fort découragés, ils se réconfortèrent avec l’ale chaude et les liqueurs qui leur furent libéralement distribuées, sans témoigner aucun désir de recommencer un combat si dangereux.

Le capitaine Coxe seul, ce type des amateurs des antiquités gothiques, après avoir fait deux fois, homme et cheval, le saut périlleux du pont dans le lac, capable d’affronter tous les dangers auxquels les champions les plus célèbres de la chevalerie, dont il étudiait les exploits, les Amadis, les Behami, les Bavir ou son favori Guy de Warwick, avaient jamais été soumis ; le capitaine Coxe, disons-nous, s’élança seul au fort de la mêlée, ses jambes et les couvertures de son cheval de bois dégoutantes d’eau, et deux fois il ranima par sa voix et son exemple le courage abattu des Anglais ; de sorte qu’à la fin leur victoire sur les Danois, leurs antagonistes, devint, comme de raison, complète et décisive. Ce héros mérita d’être immortalisé par la plume de Ben-Johnson qui, cinquante ans après, jugea qu’une mascarade représentée à Kenilworth ne pouvait être mieux introduite que par l’ombre du capitaine Coxe monté sur son cheval de bois.

Ces jeux grossiers ne répondent peut-être pas très bien à l’idée que le lecteur pouvait avoir conçue d’une fête donnée à Élisabeth, sous le règne de laquelle les lettres fleurirent avec tant d’éclat, et dont la cour, gouvernée par une femme chez laquelle le sentiment des convenances égalait la force d’esprit, n’était pas moins distinguée par sa politesse et son élégance que ses conseillers l’étaient par leur prudence et leur fermeté. Mais, soit par désir politique de paraître s’intéresser à ces divertissements populaires, soit par une étincelle de cet esprit mâle et belliqueux du vieil Henri, qu’on remarquait quelquefois dans sa fille, il est certain que la reine rit de tout son cœur de cette imitation, ou plutôt de cette parodie burlesque de la chevalerie, qui lui fut présentée par les habitants de Coventry. Elle appela près sa personne le comte de Sussex et lord Hunsdon, peut-être en partie pour dédommager le premier des longues et secrètes audiences qu’elle avait accordées au comte de Leicester, en le mettant à même de converser sur un divertissement plus d’ac-