Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cord avec ses goûts que ces spectacles dont les sujets avaient été puisés dans les trésors de l’antiquité. La disposition où il vit la reine de rire et de plaisanter avec ses vieux guerriers, fournit à Leicester l’occasion qu’il cherchait de se retirer ; et il sut si bien choisir son temps, que toute la cour attribua sa retraite à la délicate attention de laisser à son rival un libre accès auprès de sa souveraine, au lieu de profiter de son droit d’hospitalité pour se mettre perpétuellement devant les autres seigneurs et leur cacher le soleil.

Cependant les pensées de Leicester avaient un but bien différent de celui que la courtoisie lui prêtait ; car à peine eut-il vu la reine tout occupée de sa conversation avec Sussex et Hunsdon, derrière lesquels se tenait sir Nicolas Blount faisant une grimace qui lui fendait la bouche de l’une à l’autre oreille à chaque parole qu’il entendait, que, faisant signe à Tressilian qui, d’après leur convention, suivait à quelque distance tous ses mouvements, il se débarrassa de la foule, et se dirigea vers le parc, en se faisant un passage à travers des groupes nombreux de spectateurs de la classe du peuple, qui, la bouche béante, contemplait le combat des Anglais et des Danois. Lorsqu’il fut parvenue dépasser cette multitude, ce qui n’était pas sans difficulté, il jeta un regard derrière lui pour s’assurer si Tressilian avait eu le même succès, et le voyant également dégagé de la foule, il le conduisit vers un petit bois taillis dans lequel était un domestique avec deux chevaux tout sellés. Il s’élança sur l’un d’eux, et fit signe à Tressilian de monter l’autre ; celui-ci obéit sans prononcer un mot.

Leicester alors donna de l’éperon à son cheval, et le fit galoper sans s’arrêter, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à un endroit solitaire entouré de chênes majestueux, à un mille environ du château, et du côté opposé aux lieux où la curiosité attirait tous les spectateurs. Il mit alors pied à terre, attacha son cheval, et, sans prononcer d’autres mots que ceux-ci : « Ici, il n’y a pas de danger d’être interrompu, » il jeta son manteau sur la selle et tira son épée.

Tressilian suivit à l’instant son exemple ; cependant il ne put s’empêcher de dire en tirant son arme : « Milord, comme je suis connu pour un homme qui ne craint pas la mort, et qui ne balancerait pas s’il s’agissait de choisir entre elle et l’honneur, il me semble que je puis sans honte demander, au nom de tout ce qu’il y a de sacré, pourquoi Votre Seigneurie s’est cru permis à mon égard le traitement outrageant qui nous a placés en de pareils termes l’un envers l’autre.