Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/46

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« Parce que, dit Lambourne froidement, vous n’oserez de votre vie me toucher du bout du doigt. Je suis plus jeune et plus fort que vous, et j’ai en moi une double portion du démon des batailles, quoique je ne sois pas aussi richement doté du démon de l’astuce qui marche dans l’ombre pour arriver à son but, cache des cordes sous les oreillers des gens, et met de la mort aux rats dans leur potage, comme dit la comédie. »

Foster le regarda fixement, se retourna, et fit deux tours dans la salle, d’un pas aussi ferme et aussi méthodique que lorsqu’il y était entré ; puis revenant tout d’un coup, il tendit la main à Michel, en lui disant : « Ne m’en veux pas, mon bon Michel ; je voulais voir si tu avais conservé quelque chose de ta vieille et honorable franchise, que les envieux et les calomniateurs appelaient impudente effronterie.

— Qu’ils appellent cela comme ils voudront, dit Lambourne, c’est une denrée qu’il faut emporter avec soi dans le monde. Mille poignards ! je t’assure que ma provision d’assurance a été encore trop petite pour mon commerce. J’ai été obligé de prendre un ou deux tonneaux de plus à chaque port où j’ai touché dans le voyage de la vie, et j’ai jeté par-dessus le bord le peu de modestie et de scrupules qui me restaient, pour faire de la place dans le magasin.

— Bon ! bon ! répliqua Foster, quant aux scrupules et à la modestie, tu es parti d’ici sur ton lest… Mais quel est ce beau monsieur, honnête Michel ? est-ce un corinthien… un flibustier de ton espèce ?

— C’est M. Tressilian, redoutable Foster, » dit Lambourne en présentant son compagnon pour toute réponse à la question de son ami ; « apprends à le connaître, à l’honorer, car c’est un gentleman plein de qualités admirables : il ne trafique pas dans la même partie que moi, néanmoins ; autant que je puis le connaître, il a un respect et une admiration convenables pour les artistes de notre classe. Il y arrivera en temps et lieu, comme cela ne manque guère ; mais, quant à présent, ce n’est encore qu’un néophyte, un simple prosélyte, et il fréquente la compagnie des professeurs, comme apprenti bretteur, suit les salles d’armes pour voir comment les maîtres d’escrime manient le fleuret.

— S’il n’en est que là, je te prierai, honnête Michel, de m’accompagner dans une autre pièce ; car ce que j’ai à te dire est pour toi seul… Pendant ce temps, je vous prie, monsieur, de nous attendre dans cette salle et de n’en pas sortir. Il y a dans cette maison