Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/67

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— Elle croit que vous tenez une des rames de la barque, monsieur Varney, et que vous pouvez la faire avancer ou arrêter à votre gré. En un mot, elle attribue sa réclusion et son obscurité aux secrets conseils que vous donnez à milord, et à la sévérité avec laquelle je remplis mes devoirs ; de sorte qu’elle nous aime à peu près autant qu’un condamné aime son juge et son geôlier.

— Il faudra bien qu’elle nous aime davantage pour qu’elle sorte d’ici, Antony. Si j’ai conseillé pour de puissantes raisons de la laisser ici quelque temps, je puis également conseiller de la montrer dans tout l’éclat de son rang ; mais je serais bien fou de le faire, avec la place que j’occupe près de la personne de milord, si elle était mon ennemie. Fais-lui sentir cette vérité quand l’occasion s’en présentera, Antony, et laisse-moi le soin de te faire valoir auprès d’elle, et de te relever dans son opinion : Gratte-moi, je te gratterai[1], dit un proverbe de tous les pays. Il font que la dame connaisse ses amis, et qu’elle apprenne qu’ils peuvent devenir ses ennemis. En attendant, surveille-la sévèrement, mais avec tous les égards que ton naturel grossier te permettra de lui témoigner. C’est une chose parfaite que ton regard farouche et ton humeur de dogue ; toi et milord, vous devez en remercier Dieu ; car lorsqu’il y a quelque mesure de rigueur à exécuter, tu t’en acquittes comme si cela venait de ta tendance naturelle et non d’ordres reçus, de sorte que milord en esquive l’odieux. Mais, écoute… on frappe à la porte… regarde par la fenêtre… ne laisse entrer personne… c’est une soirée qui ne permet guère les interruptions.

— C’est l’homme dont je vous ai parlé avant dîner, » dit Foster en regardant par la fenêtre ; « c’est Michel Lambourne.

— Oh ! fais-le entrer sur-le-champ, dit le courtisan ; il vient me donner des nouvelles de son compagnon. Il nous importe de connaître les mouvements d’Edmond Tressilian. Fais-le entrer, te dis-je ; mais ne l’amène pas ici ; j’irai vous rejoindre à l’instant dans la bibliothèque de l’abbé. »

Foster sortit, et le courtisan, resté seul, se promena plus d’une fois d’un bout à l’autre du parloir, les bras croisés sur sa poitrine, et comme enfoncé dans ses pensées ; puis, à la fin, il donna cours à ses réflexions en phrases brisées que nous avons un peu développées et liées ensemble, afin de rendre ce soliloque plus intelligible au lecteur.

« C’est vrai, » dit-il en s’arrêtant tout d’un coup, et appuyant sa

  1. Ka me, ka thee, dit le texte. a. m.