Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/74

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je pourrais dire de lui des choses qui lui feraient perdre sa faveur.

— Ah ! ne le faites pas, ma bonne maîtresse, dit Jeannette ; abandonnez-le à Dieu qui punit les méchants quand il le veut ; et il ne faut pas contre-carrer Varney, car il possède à un tel degré la confiance de milord, que peu de personnes se sont bien trouvées d’avoir traversé ses projets.

— Et de qui savez-vous tout cela, Jeannette, honnête Jeannette ? dit la comtesse. Pourquoi garderais-je tant de ménagements vis-à-vis d’un homme comme Varney, moi qui suis l’épouse de son maître et de son protecteur ?

— Ah ! madame ! vous le savez mieux que moi… Mais j’ai entendu mon père dire qu’il aimerait mieux se jeter sur le passage d’un loup affamé que de traverser Richard Varney dans ses projets… et souvent il m’a recommandé de me garder d’avoir aucun rapport avec lui.

— Ce que t’a dit ton père est fort sensé, et je jurerais que c’est pour ton bien. Il est fâcheux que sa figure et ses manières s’accordent si peu avec ses véritables intentions… car je pense que ses intentions sont honnêtes.

— N’en doutez pas, milady ; ne doutez pas que les intentions de mon père ne soient bonnes, quoiqu’il soit brusque et que son regard dur semble démentir son cœur.

— Je ne veux pas en douter, ma fille, ne fût-ce que pour te faire plaisir. Et cependant il a une de ces figures qui font trembler quand on les regarde. Je pense, Jeannette, que ta mère elle-même… eh bien ! en finiras-tu avec ce fer à friser ?… pouvait à peine le regarder sans trembler.

— Si cela eût été, madame, ma mère avait une famille pour la protéger. Mais vous-même, milady, vous avez tremblé et rougi quand Varney vous a remis la lettre de milord…

— Vous êtes bien hardie, mademoiselle, » dit la comtesse en se levant de dessus les coussins sur lesquels elle était assise à demi renversée dans les bras de sa suivante. « Sachez qu’on peut avoir des motifs de trembler qui n’aient rien de commun avec la crainte. Mais, Jeannette, » ajouta-t-elle sur-le-champ en reprenant le ton de bonté familière qui lui était naturel, « crois que j’accorderai à ton père toute la confiance que je pourrai, et d’autant plus volontiers, ma chère, que tu es sa fille. Hélas ! hélas ! » ajouta-t-elle, et ses jolis traits prirent soudainement l’expression de la tristesse, et ses yeux se remplirent de larmes, « je devrais d’autant plus sympathi-