Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/89

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reposant sur ses services présents et passés, il était devenu pour lui un confident presque indispensable.

« Aide-moi à mettre un costume plus simple, Varney, » dit le comte en ôtant sa robe de chambre de soie à fleurs, doublée de zibeline, « et mets en lieu de sûreté ces chaînes et ces colliers, » ajoula-t-il en montrant les insignes de ses différents ordres qui étaient sur la table ; « hier soir leur poids me rompait presque le cou. Je suis tenté de ne plus m’en embarrasser. Ce sont des liens que les coquins ont inventés pour enchaîner les fous. Qu’en penses-tu, Varney ?

— Ma foi, mon bon maître, je pense que les chaînes d’or ne sont point comme les autres chaînes : plus elles sont pesantes, plus elles sont agréables.

— Cependant, Varney, je suis presque résolu à briser le lien par lequel elles m’attachent à la cour. Quel poste plus élevé, quelle plus haute faveur peut-il en résulter pour moi que le rang et la fortune où je suis parvenu ?… Qu’est-ce qui a conduit mon père à l’échafaud, si ce n’est son ambition qu’il n’a pas su contenir dans les limites de la raison et de l’équité ? Moi-même, je le sais, j’ai couru aussi des risques ; j’ai été parfois sur le bord de l’abîme : oui, je suis presque résolu à ne plus braver la mer et à m’asseoir tranquillement sur le rivage.

— Pour y ramasser des coquillages avec l’aide de don Cupidon ? dit Varney.

— Que veux-tu dire, Varney ? » reprit le comte avec quelque vivacité.

« Ne m’en voulez pas, milord. Si Votre Seigneurie trouve un tel bonheur dans la société d’une épouse aussi aimable, que, pour en jouir avec plus de liberté, elle veuille renoncer à tout ce qui a composé jusqu’à présent son existence, quelques-uns de ses pauvres serviteurs pourront en souffrir ; mais votre bonté m’a comblé de tant de bienfaits que j’en aurai toujours assez pour me maintenir, tout pauvre gentilhomme que je suis, dans une position digne des hautes fonctions que j’ai remplies dans la maison de Votre Seigneurie.

— Cependant tu parais mécontent de ce que je parle de renoncer à un jeu qui peut finir par notre ruine à tous deux.

— Moi, milord ? assurément je n’ai point de sujet de craindre la retraite de Votre Seigneurie… Ce ne sera pas Richard Varney qui encourra la disgrâce de la reine et les railleries de la cour, quand le plus bel édifice qui ait jamais été fondé sur la faveur d’un prince s’évanouira comme une gelée blanche devant le soleil. J’aurais désiré seulement que vous vous fussiez bien assuré de vous-même avant de