Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/95

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« Voilà une belle politique… le domestique devant le maître ! » Et quand le comte eut disparu, il saisit ce moment pour dire un mot à Foster. « Tu me regardes avec humeur, Antony, comme si je t’avais privé du sourire d’adieu de milord, mais je l’ai engagé à te laisser une meilleure récompense de tes fidèles services. Regarde : cette bourse est remplie de pièces d’or aussi belles qu’en firent jamais sonner le pouce et l’index d’un avare. Oui, compte-les, mon garçon, » dit-il au moment où Foster prenait la bourse avec un sourire forcé, « et ajoute-les à l’aimable souvenir qu’il a donné hier soir à Jeannette.

— Comment cela ! comment cela ! dit Poster, il a donné de l’or à Jeannette ?

— Et pourquoi pas ? les services qu’elle rend à sa belle maîtresse ne méritent-ils pas une récompense ?

— Elle ne le gardera pas, dit Foster, elle me le remettra. Je sais que l’impression que fait sur lui un joli visage est aussi courte qu’elle est profonde ; ses affections sont aussi changeantes que la lune.

— Tu es fou, Foster : ne vas-tu pas te croire assez heureux pour que milord ait jeté les yeux sur Jeannette ? Qui donc voudrait écouter l’alouette quand le rossignol chante ?

— Alouette et rossignol sont tous bons pour l’oiseleur ; et vous, monsieur Varney, vous savez parfaitement faire jouer l’appeau pour attirer les cailles dans les filets. Je ne veux pas pour Jeannette de ces diaboliques attentions avec lesquelles vous avez séduit tant de pauvres fillettes… Vous riez ! Oui, je veux préserver au moins un membre de ma famille des griffes de Satan, vous pouvez y compter… Elle rendra l’or.

— Ou elle te le donnera à garder, ce qui sera la même chose, répondit Varney ; mais j’ai à t’entretenir de quelque chose qui est plus sérieux… Notre maître retourne à la cour de mauvaise humeur contre nous.

— Que voulez-vous dire ? Est-il déjà las de son charmant joujou ?… Il l’a acheté la rançon d’un monarque ; je parie qu’il se repent de son marché.

— Point du tout ; il en raffole et veut quitter la cour pour elle. Alors, adieu nos espérances, nos possessions et notre tranquillité ; les terres de l’Église nous sont reprises, et ce sera un grand bonheur si les détenteurs de ces biens ne sont pas appelés à en rendre compte.

— Ce serait notre ruine, » dit Foster le front troublé par la crainte, « et tout cela pour une femme ! Si c’eût été pour le bien de son âme,