Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/127

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priété individuelle sur tous ces animaux, qui sont distingués par le chiffre particulier de chaque propriétaire, qu’on imprime au moyen d’un fer chaud ou du tatouage ; mais quand un voyageur a, par hasard, besoin d’un poney, il ne se fait aucun scrupule de mettre la main sur le premier venu qu’il peut attraper, lui met une bride, et après s’être fait conduire aussi loin que bon lui semble, il abandonne l’animal à lui-même pour qu’il retrouve son chemin… chose pour laquelle les poneys ont un instinct merveilleux.

Quoique cet usage général de la propriété d’autrui fût une de ces monstruosités qu’avec le temps le facteur se proposait d’abolir, pourtant, en homme sage, il profitait temporairement d’une coutume qu’il avouait être particulièrement agréable aux personnes qui, comme lui, n’avaient pas de chevaux à prêter à leurs amis. On se procura donc trois poneys sur la colline voisine, petits animaux velus, ressemblant plutôt à des ours qu’à rien de ce qui porte le nom de cheval, mais doués d’une force et d’une ardeur surprenantes, et aussi capables de résister à la fatigue et aux mauvais traitements qu’aucune créature au monde.

Deux de ces chevaux étaient déjà amenés et convenablement équipés pour le voyage. L’un d’eux, destiné à porter la gracieuse personne de mistress Baby, était décoré d’une grande selle à dossier d’une antiquité vénérable… masse de coussins et de bourrelets, d’où pendillait de tous côtés une housse de vieille tapisserie qui, faite, dans l’origine, pour un cheval de taille ordinaire, couvrait le palefroi en miniature, sur lequel on l’avait étendu, depuis les oreilles jusqu’à la queue, depuis les épaules jusqu’au fanon, ne laissant de visible que la tête qui sortait fièrement de dessous cette couverture, comme la représentation héraldique d’un lion au milieu d’un buisson. Mordaunt enleva galamment la jolie mistress Yellowley, et, sans beaucoup de peine, la jucha sur le sommet de la selle. Il est probable qu’en se voyant l’objet des attentions d’un tel cavalier, qu’en écoutant la voix de sa conscience qui lui disait qu’elle était dans ses plus beaux atours, chose presque inouïe ! certaines pensées surgirent dans l’esprit de mistress Baby, pensées qui éloignèrent pour un moment les idées d’économie qui faisaient l’occupation journalière de son âme ; elle jeta un coup d’œil sur son joseph passé et sur la longue housse de sa selle, en observant, avec un sourire, que « voyager était une chose très agréable par un beau temps et avec une aimable compagnie ; si toutefois, » ajouta-t-elle en portant les yeux sur la broderie usée de son joseph, « si toutefois il n’en