Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/136

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jetées sur le rivage étaient si considérables, que l’intérieur de la maison attestait suffisamment les ravages de l’Océan et l’exercice de ce droit que les législateurs appellent épaves ou écumes de mer. Les chaises qui étaient rangées autour des murailles ressemblaient à celles qu’on trouve dans une cabine de navire, et beaucoup d’entre elles étaient de construction étrangère. Les miroirs et les placards placés contre les murailles pour l’ornement ou la commodité, indiquaient par leurs formes qu’ils avaient été construits pour les chambres d’un vaisseau ; une ou deux armoires étaient d’un bois rare et inconnu ; la cloison même qui séparait les deux appartements, semblait faite des sabords de quelque grand bâtiment, grossièrement adaptés au service qu’ils remplissaient alors par le travail de quelque insulaire menuisier. Pour un étranger, ces témoignages évidents de l’humaine misère pouvaient, au premier coup d’œil, former un contraste bizarre avec la scène de joie à laquelle ils se trouvaient alors associés ; mais pour les naturels du pays, cette association était si familière, qu’elle n’interrompait pas un seul instant le cours de leur gaîté.

Tous les jeunes gens conviés à la fête accueillirent la venue de Mordaunt comme un nouveau motif d’allégresse. Tous se pressèrent autour de lui, s’étonnant de sa longue absence, et tous, par leurs questions multipliées, lui montrèrent évidemment qu’ils étaient convaincus qu’elle avait été tout-à-fait volontaire de sa part. Notre jeune ami fut, par cet accueil général, délivré d’inquiétude sur un point pénible ; quels que fussent les préjugés que la famille de Burgh-Westra avait conçus contre lui, ils devaient être d’un genre privé, et du moins il n’avait pas la douleur de voir qu’il eût baissé dans l’estime générale ; sa justification, lorsqu’il trouverait occasion de la présenter, n’aurait donc pas besoin de sortir du cercle d’une seule famille : c’était une consolation, bien que son cœur palpitât encore d’inquiétude à l’idée de reparaître devant deux amies, jadis si intimes, et devenues aujourd’hui presque étrangères pour lui. Il s’excusa donc de son absence sur la mauvaise santé de son père, et passant au milieu des différents groupes d’amis et d’hôtes, dont chacun paraissait vouloir le retenir aussi long-temps que possible, il se débarrassa de ses compagnons de route, qui s’étaient attachés à lui comme de la glu, en les présentant à une ou deux familles d’importance. Enfin il arriva à la porte d’un petit appartement qui ouvrait sur l’une des deux grandes salles, que Minna et Brenda avaient reçu la permission d’arranger selon leur goût, et d’appeler leur salon particulier.