Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/137

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Mordaunt avait beaucoup contribué à l’invention et à la construction de cette retraite favorite, aussi bien qu’à en disposer les ornements. Aussi, durant son dernier séjour à Burgh-Westra, avait-il la permission d’y entrer et d’y demeurer autant que celles qui en étaient maîtresses. Mais alors les temps étaient si changés, qu’il s’arrêta le doigt posé sur le bouton, ne sachant s’il devait prendre la liberté d’entrer, lorsque enfin la voix de Brenda prononça les mots : « Entrez donc, » du ton d’une personne interrompue par un visiteur malavisé qu’elle va tâcher de congédier le plus lestement possible.

À ce signal, Mordaunt entra dans le boudoir des deux sœurs, qu’on avait disposé pour la fête du lendemain, en y ajoutant des ornements nouveaux, presque tous d’une grande valeur. Au moment où Mordaunt arriva, les filles de Magnus étaient assises et semblaient en grande discussion avec l’étranger Cleveland et un petit vieillard maigre. Les yeux de ce dernier conservaient encore la vivacité et l’enjouement qui l’avaient soutenu au milieu des vicissitudes d’une vie pénible, et sa physionomie gagnait en expression tout ce qu’elle pouvait perdre en gravité ; il y avait même une finesse pénétrante dans les regards de curiosité qu’il sembla lancer en se retirant à l’écart, pour examiner l’accueil que Mordaunt recevrait des deux sœurs.

Cet accueil ressemblait beaucoup à celui que Magnus lui avait fait ; mais les jeunes personnes ne purent déguiser aussi bien le changement qui s’était opéré en elles depuis leur dernière rencontre. Toutes deux rougirent en se levant, et sans lui présenter la main, sans surtout lui tendre la joue, liberté qu’autorisait l’usage à cette époque, elles reçurent Mordaunt comme une connaissance ordinaire. Mais la rougeur de l’aînée n’était que la marque fugitive d’une émotion passagère, qui s’évanouit aussi vite que la pensée qui lui avait donné naissance. En un instant, elle parut en face de Mordaunt calme et froide, et répondant avec une politesse forcée aux compliments ordinaires que le jeune homme s’efforçait de lui présenter d’une voix tremblante. L’émotion de Brenda semblait avoir un caractère plus profond et plus vif. Sa rougeur s’étendit sur tout ce que ses vêtements laissaient apercevoir d’une peau satinée, c’est-à-dire sur son cou et sur la partie supérieure d’un sein admirablement dessiné. Elle n’essaya point même de répondre aux honnêtetés que débitait Mordaunt, tout confus, en s’adressant à elle plus particulièrement ; mais elle le regarda avec des