Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/16

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fin du dix-septième siècle, une partie du château du comte était encore entière et habitable. C’était une construction grossière de pierres brutes, où rien ne pouvait plaire à l’œil, ni exciter l’imagination : un vaste édifice à l’ancienne mode, couvert par un toit escarpé, formé de pierres grisâtres, donnerait peut-être une assez juste idée de ce manoir à un lecteur moderne. Les fenêtres étaient peu nombreuses, fort basses, et distribuées à travers toute la façade, au mépris de toute régularité. Contre le bâtiment principal, s’appuyaient jadis des constructions moins élevées, contenant des offices et les appartements nécessaires au logement de la suite et des domestiques du seigneur. Mais ces dépendances n’étaient plus que des ruines ; les poutres avaient été arrachées pour faire du feu ou à d’autres intentions ; les murs avaient croulé en beaucoup d’endroits : pour compléter la dévastation, le sable s’agglomérait parmi les débris, et ce qui jadis était des chambres en était maintenant rempli à la hauteur de deux ou trois pieds.

Au milieu de cette désolation, les habitants de Jarlshof étaient parvenus, à force de travail et de soins, à tenir en état de culture quelques perches de terre ; on les avait encloses comme un jardin ; et protégées par le château lui-même, elles produisaient tous les végétaux que le climat pouvait nourrir, ou plutôt tout ce que le vent de la mer laissait pousser : car, dans ces îles, on ressent moins la rigueur du froid qu’en Écosse ; mais, sans un abri quelconque, il est à peine possible d’obtenir les légumes les plus ordinaires : quant à des arbrisseaux ou à des arbres, il n’en est nullement question, tant est grande la violence des ouragans.

À une courte distance du château, et près du bord de la mer, à l’endroit où le golfe présente un port parfait, refuge de trois ou quatre bateaux de pêcheurs, on voyait un petit nombre de misérables chaumières habitées par les vassaux de la juridiction de Jarlshof ; ceux-ci occupaient toutes les possessions du seigneur, aux conditions ordinaires à cette époque, c’est-à-dire à des conditions assez dures. Le seigneur lui même résidait dans un autre domaine dont la situation était mieux choisie, et visitait rarement ses possessions de Sumburgh-Head. C’était un honnête et simple gentil, homme shetlandais, un peu colérique, résultat nécessaire d’une vie passée parmi ses inférieurs, et un peu trop ami de la table, conséquence peut-être de ce qu’il avait trop de temps à perdre ; mais franc, généreux et bon pour ses gens, hospitalier et doux pour les étrangers. Il descendait d’une noble et ancienne famille norwé-