Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/17

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gienne, circonstance qui le rendait particulièrement cher aux classes inférieures composées de Norwégiens ; car la plupart des lairds et des propriétaires étaient écossais, ce qui, à cette époque reculée, les faisait considérer comme des intrus. Magnus Troil, qui avait pour aïeul le comte même qu’on supposait avoir fondé Jarlshof, était surtout de cette opinion.

Les personnes qui demeuraient alors à Jarlshof avaient éprouvé, en plusieurs occasions, la bonté et la bienveillance du propriétaire de ce domaine. Lorsque M. Mertoun (tel était le nom de celui qui habitait alors l’antique maison) aborda aux îles Shetland, il reçut de M. Troil cette chaude et cordiale hospitalité qui distingue les habitants de ces îles. Personne ne lui demanda d’où il venait, où il allait, quel était son but en visitant un coin si reculé du royaume, ou quel devait être à peu près le terme de son séjour. À son débarquement, il fut accablé aussitôt d’une foule d’invitations ; dans chaque maison qu’il visitait, il trouvait une demeure où il restait suivant son bon plaisir, où il vivait comme un membre de la famille, sans attirer l’attention des autres, sans leur donner la sienne, jusqu’à ce qu’il jugeât convenable d’aller prendre domicile ailleurs. Cette apparente indifférence pour le rang, le caractère et les qualités de leur hôte, ne venait point de l’apathie de ces bonnes gens ; les insulaires avaient leur bonne part de la curiosité ordinaire ; mais leur délicatesse aurait cru enfreindre les lois de l’hospitalité en faisant des questions auxquelles leur hôte aurait eu peine ou déplaisir à répondre. Au lieu de chercher, comme c’est l’usage en d’autres pays, à tirer de M. Mertoun des communications qui pouvaient lui coûter, les discrets Shetlandais se contentaient de saisir au vol le peu de documents qui lui échappaient dans la conversation.

Mais on aurait plutôt tiré de l’eau d’un roc de l’Arabie déserte, qu’arraché à M. Basile Mertoun une confidence, même accidentelle ; et, certes, la politesse des nobles familles de Thulé ne fut jamais mise à une plus rude épreuve.

Ce que l’on connaissait de lui était facile à résumer. M. Mertoun était arrivé à Lerwick, ville qui prenait déjà quelque importance, mais qui n’était pas encore reconnue pour capitale de l’île, sur un vaisseau hollandais, accompagné seulement de son fils, beau garçon d’environ quatorze ans ; lui-même pouvait avoir passé la quarantaine. Le capitaine hollandais l’introduisit chez quelques uns de ses bons amis avec lesquels il échangeait ordinairement du genièvre et du pain d’épice contre de petits taureaux shetlandais, des oies en-