Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/171

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Une douzaine de sabres, qu’on tira d’une vieille caisse à armures, et dont la lame rouillée montrait combien ils quittaient rarement le fourreau, armèrent une douzaine de jeunes Shetlandais auxquels se joignirent six jeunes filles conduites par Minna Troil. Les musiciens exécutèrent aussitôt l’air approprié à la danse guerrière des Norwégiens, dont les évolutions sont peut-être exécutées encore dans ces îles éloignées.

Le premier mouvement était plein de grâce et de majesté ; les jeunes gens tenaient leurs épées droites, et sans faire beaucoup de gestes ; mais l’air et les pas des danseurs devinrent graduellement de plus en plus rapides… ils frappaient leurs lames en cadence, avec une vitesse qui donnait à cet exercice une apparence de danger pour l’œil du spectateur, quoique la fermeté, la justesse et le soin que les danseurs mettaient à battre leurs armes en mesure, indiquassent qu’il n’y avait aucun péril. La plus singulière partie de cette danse était l’instant où les danseuses, douées d’un rare sang-froid, tantôt étaient entourées par les guerriers, et ressemblaient aux Sabines entre les bras des Romains, et tantôt passant sous l’arche d’acier que formaient les jeunes gens en croisant leurs épées au dessus de la tête de leurs jolies partenaires, ressemblaient à la bande des Amazones, lorsque, dans la danse pyrrhique, elles se réunissaient à la suite de Thésée. Mais la physionomie la plus frappante et la mieux placée dans cet exercice était celle de Minna Troil qu’Halcro avait depuis long-temps surnommée la Reine des épées. Elle se remuait au milieu des guerriers comme si l’aspect des lames nues la plaçait dans son élément et lui inspirait un vif plaisir. Lorsque les figures de la danse devinrent plus compliquées, on voyait quelquefois tressaillir une des jeunes filles ; mais les yeux, les lèvres, le teint de Minna semblaient indiquer que plus elle était serrée de près par les armes, plus elle voyait jaillir d’éclairs des épées, plus aussi son calme était grand, plus sa satisfaction était parfaite. Après que la musique eut cessé, elle resta un moment seule et immobile pour terminer la danse : alors les guerriers et les jeunes filles semblaient être les gardes et la suite d’une princesse qui, congédiés par un signe, l’abandonnaient un moment dans la solitude. Son regard et son attitude, livrée comme elle l’était probablement à quelque rêve d’imagination, répondaient à merveille à la dignité idéale que les spectateurs lui attribuaient ; mais revenant soudain à elle-même, elle rougit en s’apercevant qu’elle avait été, pour un moment, l’objet de l’attention générale, et donna