Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/175

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Le son vient planer sur les flots,
Et berce d’images heureuses
Le court sommeil des matelots.
Bien plus, sortant du sein des ondes,
Portant nos conques avec nous,
Nous quittons nos grottes profondes,
Joyeux fils de Thulé, pour chanter avec vous.


III.
les sirènes et les tritons.
De nos cavernes ténébreuses
Nous avons entendu vos chants,
Car les notes harmonieuses
Savent percer les flots grondants.
Sous le poids de malheurs pénibles,
Nous eussions entendu vos pleurs ;
Nous ne serions point insensibles
Aux tristes cris de vos douleurs.
De même dans le sein des ondes
Votre gaîté vient jusqu’à nous ;
Nous quittons nos grottes profondes.
Fils de Thulé, pour rire et danser avec vous.

Le chœur final fut chanté par toutes les voix, seulement quelques dieux s’efforcèrent de faire sortir de leurs conques une espèce d’accompagnement rauque, qui produisit pourtant un assez bon effet. La poésie, aussi bien que l’exécution, fut couverte d’applaudissements par tous ceux qui se disaient juges en pareilles matières, mais surtout par Triptolème Yellowley, qui, ayant saisi au passage les termes aratoires de charrue et de sillon, et, grâce à de nombreuses libations, les ayant compris dans le sens le plus littéral, déclara franchement, en prenant Mordaunt à témoin, que, bien qu’il fût ridicule d’avoir perdu de bonne filasse pour faire une barbe et une chevelure à des tritons, la chanson renfermait les seuls mots de sens commun qu’on eût dits de toute la journée.

Mais Mordaunt n’avait pas le temps de lui répondre. Il était occupé à suivre, avec la plus grande attention, les mouvements de l’une des sirènes, qui, dès l’entrée de la mascarade, lui avait fait un signe ; ce qui lui faisait penser, quoiqu’il ignorât qui ce pût être, qu’elle avait à lui communiquer des choses importantes. La néréide qui lui avait si hardiment pressé le bras, et avait accompagné ce geste d’une expression d’yeux qui l’intriguait vivement, était déguisée avec beaucoup plus de soin que ses compagnes ; sa