Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/209

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régnait maintenant dans leurs rapports. Après avoir terminé leurs dévotions et pris place dans leur couche commune, elles enlacèrent leurs bras pour échanger leur baiser du soir. Alors elles semblèrent demander mentalement et s’accorder leur pardon mutuel ; et peu de minutes après, les deux sœurs s’endormirent de ce doux et profond sommeil que le ciel ne donne qu’à la jeunesse et à l’innocence.

Cette nuit néanmoins les deux sœurs furent visitées par des songes qui, tout en retraçant assez fidèlement la différence des goûts et des habitudes des belles rêveuses, avaient pourtant une grande ressemblance l’un avec l’autre.

Minna rêva qu’elle était dans une des retraites les plus solitaires du rivage, nommée Swartaster, où l’action continuelle des vagues, rongeant un rocher calcaire, avait formé un profond hallier, mot qui dans la langue de l’île signifiait une caverne souterraine que le flux remplit d’eau et que le reflux laisse à sec. Beaucoup de ces cavernes ont une profondeur considérable et même inconnue : là se retirent en sûreté les cormorans et les veaux marins ; et il n’est ni aisé ni prudent de les poursuivre dans ces immenses repaires. Le hallier de Swartaster surtout était regardé comme inaccessible, il était soigneusement évité par les chasseurs ou les marins à cause des angles aigus et des nombreux détours qu’on trouvait sous la voûte même, et à cause des écueils à fleur d’eau qui en rendaient l’intérieur très dangereux aux barques et aux bateaux, surtout lorsque la marée s’y engouffrait avec la rapidité qu’elle a ordinairement sur les côtes d’une île. De la gueule sombre de cette caverne, il semblait à Minna qu’elle voyait une sirène sortir, non dans le costume classique d’une néréide, tel que Claude Halcro l’avait déterminé dans sa mascarade de la veille, mais avec un peigne et un miroir en main, et fendant les vagues avec cette longue queue couverte d’écaillés qui forme un contraste si terrible avec la jolie figure, la chevelure longue et le sein délicieux d’une mortelle douée d’une beauté merveilleuse. Elle semblait faire signe à Minna, tandis qu’elle faisait retentir à son oreille un chant sauvage dont les paroles annonçaient malheur et calamité.

La vision de Brenda était d’un genre différent, mais également mélancolique. Elle était assise sous son berceau favori, entourée de son père et de ses meilleurs amis, au nombre desquels Mordaunt Mertoun n’était pas oublié. On la priait de chanter, et elle voulait régaler la compagnie d’une charmante chanson qu’elle exécutait toujours avec une rare perfection, et qu’elle chantait d’un air si