Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/225

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propos de rien que Mordaunt porte une chaîne d’or magique… Songez-y, Brenda, et soyez sage à temps. — Je n’ai aucun rapport avec Mordaunt Mertoun, — répondit vivement Brenda ; « j’ignore ce que lui ou tout autre jeune homme porte à son cou, et je m’en inquiète peu. Je pourrais voir toutes les chaînes d’or de tous les baillis d’Édimbourg, dont lady Glowrowrum parle tant, sans m’amouracher d’un seul de ceux qui les possèdent. » Après s’être ainsi conformée à la règle qui ordonne aux femmes de repousser en général une telle accusation, elle reprit aussitôt sur un ton différent : « Mais, à vrai dire, Minna, je trouve que vous, comme tous les autres, vous avez jugé trop vite notre jeune ami, celui qui fut si long-temps notre plus intime compagnon. Songez-y, Mordaunt Mentoun n’est pas pour moi plus qu’il n’etait pour vous… Vous savez bien vous-même combien il faisait peu de différence entre nous deux, et qu’avec sa chaîne ou sans sa chaîne, il vivait avec nous comme un frère avec deux sœurs ; et pourtant vous lui tournez soudain le dos, parce qu’un marin vagabond, dont nous ne savons rien, et un méchant colporteur, que nous connaissons pour un filon, un imposteur, un menteur, ont bavarde et conté des histoires à son préjudice. Je ne crois pas qu’il ait jamais dit qu’il pouvait choisir entre nous, et qu’il n’attendait, pour se déterminer, que de voir qui de nous aurait Burgh-Westra et le lac de Brendness… Je ne crois pas qu’il ait jamais prononce une parole, ou conçu une pensée indiquant qu’il songeât à choisir entre nous. — Peut-être, » répondit Minna froidement, « aviez-vous des raisons pour savoir que son choix était déjà déterminé. - Voici ce que je ne souffrirai jamais, — dit Brenda s’abandonnant à sa vivacité naturelle et s’arrachant des mains de sa sœur ; puis, se retournant et la regardant en face, tandis que ses joues, son cou, et la partie de son sein que laissait apercevoir le haut de son corset encore non lacé, étaient couverts d’une rongeur éclatante. « Même de votre part, Minna, je ne le souffrirai pas. Vous savez que toute ma vie j’ai dit la vérité, et que j’aime la vérité ; je vous répète que Mordaunt Mertoun n’établit jamais de sa vie la moindre différence entre vous et moi, jusqu’à…

Ici la voix de sa conscience l’interrompit soudain, et sa sœur poursuivit en souriant : — Jusqu’à quand, Brenda ? il semble que votre amour pour la vérité soit étouffé par la phrase que vous commenciez. — Jusqu’au moment où vous avez cessé de lui rendre la justice qu’il mérite, » reprit Brenda fermement, « puisqu’il faut