Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/268

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qui, après cet intervalle d’un sommeil si paisible, lui semblaient presque n’être que les illusions de la nuit. Elle doutait même si l’horreur qu’elle se souvenait d’avoir ressentie n’était pas réellement un songe suggéré peut-être par quelques sons du dehors.

« Je veux voir Halcro sur-le-champ, dit-elle ; il peut savoir quelque chose de ces bruits étranges, puisqu’il était levé alors. »

Elle sauta donc hors du lit ; mais à peine fut-elle debout sur le plancher, que sa sœur s’écria : « Bon Dieu ! Minna, qu’avez-vous aux pieds… à la cheville ? »

Minna baissa les yeux, et vit, avec une surprise qui se changea bientôt en désespoir, que ses deux pieds, un surtout, étaient tachés d’un cramoisi foncé, d’une couleur toute semblable à du sang sec.

Sans essayer de répondre à Brenda, elle courut à la croisée, et jeta un regard de consternation sur l’herbe qui croissait au bas, car c’était là qu’elle devait avoir pris la tache fatale. Mais la pluie qui était tombée en cet endroit par torrents, aussi bien du ciel que des toits de la maison, avait effacé ces vestiges du crime, s’il était vrai que ces vestiges eussent jamais existé. Tout était frais et beau, et les brins de gazon chargés et penchés par les gouttes de pluie étincelaient comme des diamants au brillant soleil du matin.

Tandis que Minna contemplait la verdure émaillée avec ses grands yeux noirs que l’excès de sa terreur rendait immobiles et faisait sortir de sa tête, Brenda la tirait par-derrière et la suppliait par d’instantes prières de lui dire où et comment elle s’était blessée.

« Un morceau de verre a coupé mon soulier, » répondit Minna, s’imaginant qu’elle allait satisfaire sa sœur par une défaite ; « je m’en étais à peine aperçue dans le moment. — Et pourtant, voyez comme la cheville a saigné, reprit sa sœur. Bonne Minna, » ajouta-t-elle en s’approchant avec une serviette mouillée, « permettez que je lave ce sang… la blessure peut-être pire que vous ne croyez. »

Mais à l’instant où elle se baissait, Minna ne voyant pas d’autre moyen d’empêcher sa sœur de découvrir que le sang qui tachait son pied n’avait jamais circulé dans ses veines, rejeta avec dureté et colère cette offre bienveillante. La pauvre Brenda, ne sachant en quoi elle avait offensé sa sœur, recula deux ou trois pas, quand elle vit ses services si rudement repoussés, et resta à regarder Minna avec des yeux où se peignaient plutôt la surprise et l’affection blessée que le ressentiment, mais qui exprimaient aussi un déplaisir bien naturel.