Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/274

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Cette réponse fut prononcée plutôt avec dérision qu’avec colère, et Swertha, qui avait réussi à entamer le dialogue, était déterminée à ne pas le laisser s’interrompre, alors que le feu de l’ennemi semblait se ralentir.

« Oh ! oui, bien sûr, je suis une vieille folle… mais si M. Mordaunt avait péri dans le Roost, comme plus d’une barque s’y est engouffrée dans l’horrible bourrasque de l’autre matin… par bonheur elle fut aussi courte que furieuse, autrement rien n’aurait échappé… ou bien, s’il s’était noyé dans le lac en revenant à pied à la maison, ou s’il s’était tué en glissant sur un roc… toute l’île sait combien il était téméraire… qui serait alors le vieux fou ? » Puis elle ajouta cette pathétique exclamation : « Que Dieu protège le pauvre enfant sans mère ! car s’il avait eu une mère, il y a longtemps qu’elle se serait mise à sa recherche. »

Ce dernier sarcasme affecta terriblement Mertoun… ses dents claquèrent, son visage pâlit, et il murmura à Swertha d’aller dans son cabinet, où d’ordinaire il lui permettait à peine d’entrer, et de lui apporter une bouteille qui s’y trouvait.

« Oh ! oh ! » se dit en elle-même Swertha, tout en se hâtant de faire la commission, « mon maître sait où trouver un verre de consolation pour couper son eau au besoin. »

Il y avait réellement une caisse de flacons semblables à ceux ou l’on renferme les liqueurs fortes, mais la poussière et les toiles d’araignée dont ils étaient recouverts montraient qu’on n’y avait pas touché depuis bien des années. Swertha eut quelque peine à en déboucher un, à l’aide d’un poinçon (car il n’y avait jamais eu de tire bouchons à Jarlshof), et s’assurant d’abord par le fumet, puis, de crainte d’erreur, par une petite gorgée, qu’il contenait de l’eau salutaire des Barbades, elle le porta dans l’appartement où son maître luttait encore contre sa faiblesse ; elle se mit alors à en verser une petite quantité dans le premier verre qui lui tomba sous la main, pensant naturellement que sur une personne si peu accoutumée à l’usage des liqueurs spiritueuses, une goutte produirait un violent effet ; mais le malade lui signifia d’un air d’impatience de remplir le verre, qui pouvait tenir plus du tiers d’une pinte anglaise, et l’avala sans hésiter.

" Maintenant, que les saints du ciel veillent sur nous ! se dit Swertha ; il va devenir aussi ivre que fou, et alors comment lui faire entendre raison ? »

Mais la respiration et les couleurs de Mertoun revinrent sans le