Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/280

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ouest, côté le plus exposé au vent, les tourbillons poussèrent contre les murailles, jusqu’à plus de moitié de leur hauteur, des monceaux de sable par dessus lesquels les combles du bâtiment, avec le petit beffroi construit à l’angle oriental de l’église, s’élevaient dans l’affreuse et triste nudité d’une ruine précoce.

Pourtant, abandonnée comme elle l’était, l’église de Saint-Ringan conservait encore quelques restes des anciens hommages qui lui étaient autrefois rendus. Les grossiers et ignorants pêcheurs de Dunrossness observaient une pratique dont ils avaient eux-mêmes oublié l’origine, et dont le clergé protestant tâchait vainement de les éloigner… Lorsque leurs barques se trouvaient dans un extrême péril, ils avaient coutume de vouer un awmous, c’est-à-dire une offrande, à saint Ringan ; et quand le danger était passé, ils ne manquaient jamais de s’acquitter de leur vœu en se rendant seuls et secrètement à la vieille église ; et là, quittant leurs souliers et leurs bas à l’entrée du cimetière, ils faisaient trois fois le tour des ruines en suivant le cours du soleil ; à la fin du troisième tour, celui qui accomplissait un vœu jetait son offrande, consistant ordinairement en une petite pièce d’argent, à travers les grillages d’une fenêtre délabrée, percée dans un des murs de côté, et puis se retirait en se gardant bien de regarder derrière lui avant d’être hors des limites du terrain jadis consacré ; car on croyait que le squelette du saint recevait l’offrande dans sa main décharnée, et montrait son horrible tête de mort à la fenêtre par où on la jetait.

Ce lieu était d’autant plus effrayant pour les esprits faibles et ignorants, que les vents, toujours furieux et infatigables, qui d’un côté de l’église menaçaient d’ensevelir les ruines sous le sable, et même l’avaient déjà amoncelé en si grande quantité que le mur et les arcs-boutants avaient presque disparu, semblaient, d’un autre côté vers le sud-est, s’acharner à découvrir les tombeaux de ceux qu’on y avait placés pour l’éternel repos : après une tempête violente, les cercueils, et quelquefois les cadavres même qu’on avait enterrés avec peu de précaution, se montraient, spectacle épouvantable, aux yeux des vivants !

C’était vers ce lieu jadis fréquenté par les fidèles, que Mertoun père se dirigeait alors, quoiqu’il n’y fût pas amené par les idées religieuses ou superstitieuses qui conduisaient ordinairement le Shetlandais à l’église de Saint-Ringan. Il était entièrement exempt des terreurs ridicules du pays, et même la vie retirée et sauvage qu’il menait, fuyant toute société humaine, lors même qu’elle était as-