Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/283

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Le couteau, druidique emblème ;
Le fer ne l’a point éveillé :
Troïl, tu n’es plus toi-même !

Merci, vaillant Troïl, merci !
Ce don aura sa récompense :
De ces lieux l’orage banni
Va céder devant ma puissance.
Le vent laissera tes vieux os
Dormir en paix, je le le jure,
Et bercera ton long repos
Par un doux et lointain murmure.

Pendant que Norna chantait les premières strophes, elle acheva de découvrir une partie du cercueil de plomb qui renfermait les os de l’ancien guerrier, et coupa, avec beaucoup de précaution, même avec une apparence de crainte religieuse, un morceau de ce métal. Elle rejeta alors le sable sur le cercueil avec un air respectueux ; et avant qu’elle eût fini son chant, il ne restait aucune trace qui indiquât que les secrets de la tombe avaient été violés.

Mertoun, placé derrière le mur du cimetière, la considérait pendant toute la cérémonie, non pas que cette femme ou la besogne qu’elle accomplissait lui imprimât la moindre vénération, mais parce qu’il savait qu’interrompre une folle dans un acte de folie, n’était pas le meilleur moyen d’obtenir d’elle les renseignements qu’elle pouvait lui donner. Cependant il eut le temps nécessaire d’observer son extérieur, quoique la figure de Norna fut à demi cachée par ses cheveux en désordre et par le capuchon de son noir manteau, qui n’en laissait pas voir plus qu’une druidesse n’en aurait montré pendant la célébration de ses rites mystiques. Mertoun avait souvent entendu parler de Norna ; il est même fort probable qu’il l’avait vue maintes fois, car elle se tenait aux environs de Jarlshof plus qu’en tout autre endroit, depuis qu’il y demeurait ; mais les contes absurdes qui couraient sur elle, l’empêchaient de donner son attention à une personne qu’il regardait comme folle ou fourbe, ou comme réunissant la folie à l’imposture. Mais alors que son attention était, par suite des circonstances, involontairement attirée sur cette personne et sa conduite, il ne put s’empêcher de reconnaître qu’elle était ou réellement enthousiaste, ou qu’elle répétait si admirablement son rôle qu’aucune pythonisse d’autrefois ne l’aurait surpassée. La dignité et la solennité de ses gestes, le ton de sa voix sonore, et pourtant expressif, dont elle conjurait l’âme du guerrier de qui elle osait troubler les restes mortels, ne