Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/285

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je sais qu’il n’avait pas l’intention de s’y rendre. — Le torrent du destin nous entraîne sans rame ni gouvernail : vous n’aviez pas ce matin l’intention de visiter l’église de Saint-Ringan, pourtant vous y voilà ; vous n’aviez pas l’intention, il y a une minute, d’aller à Kirkwall, et pourtant vous irez. — Non, à moins que je n’en connaisse mieux la nécessité. Je ne suis pas, bonne dame, au nombre de ceux qui croient à votre puissance surnaturelle. — Vous y croirez avant que je vous quitte. Jusqu’à présent vous en savez peu sur mon compte, et vous n’en saurez pas davantage ; mais j’en sais beaucoup sur le vôtre, et pourrais d’un mot vous convaincre que je dis la vérité. — Convainquez-moi donc ; car à moins d’être convaincu, il est peu probable que je suivrai votre conseil. — Retenez donc bien ce que j’ai à vous dire touchant votre fils, autrement ce que je vous dirai touchant vous-même bannira toute autre pensée de votre mémoire. Vous irez à la prochaine foire de Kirkwall, et le cinquième jour de la foire, vers l’heure de midi, vous vous promènerez sous le portail de la cathédrale de Saint-Magnus ; et là vous rencontrerez une personne qui vous donnera des nouvelles de votre fils. — Il faut parler plus distinctement, bonne dame, » répliqua Mertoun d’un ton dédaigneux, « si vous désirez que je suive votre conseil. J’ai autrefois été trompé par des femmes, mais jamais aussi grossièrement que vous voudriez me tromper. — Écoute donc ! s’écria la vieille femme : le mot que je vais prononcer concernera le plus intime secret de ta vie, et fera tressaillir tes nerfs et tes os. »

Aussitôt elle murmura à l’oreille de Mertoun un mot dont l’effet sembla presque magique ; il resta muet et immobile de surprise, tandis qu’agitant lentement son bras, avec un air de supériorité et de triomphe, Norna s’éloigna de lui, tourna un coin de ruines, et disparut bientôt.

Mertoun ne chercha point à la suivre ni de près ni de loin. « Nous fuyons vainement notre destinée, » dit-il, lorsqu’il commença à se remettre ; et continuant sa route, il laissa derrière lui les ruines solitaires avec leur cimetière. Arrivé dans un endroit où il ne lui restait qu’un pas à faire pour perdre l’église de vue, il y jeta un dernier regard, et aperçut Norna enveloppée de son manteau, debout sur le faîte de la tour ruinée, et agitant à la brise de la mer quelque chose qui ressemblait à un pavillon blanc. Un sentiment d’horreur, pareil à celui qu’elle avait excité par son dernier mot, pénétra l’âme de Mertoun, et il marcha droit devant lui avec