Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avait pas été témoin de ces moments de faiblesse ; chose dont M. Mertoun se montrait fort jaloux.

En pareil cas, donc, toutes les sources d’amusement que présentait le pays étaient ouvertes au jeune Mertoun qui, dans les intervalles où son éducation était suspendue, trouvait occasion de donner carrière à l’énergie d’un caractère hardi, actif et entreprenant. Il se livrait souvent avec la jeunesse du hameau à ces amusements dangereux, au milieu desquels le métier terrible de cueilleur de samphire[1] était pour eux comme une promenade sur un terrain bien uni. Souvent il se joignait à des excursions de nuit sur le flanc des rochers à pic, pour saisir les œufs ou les petits des oiseaux de mer, et dans ces audacieuses entreprises il déployait une adresse, une présence d’esprit et une activité qui, chez un si jeune homme, étranger au pays, étonnaient les plus vieux chasseurs.

D’autres fois, Mordaunt accompagnait Sweyn et d’autres pêcheurs dans leurs longues et périlleuses expéditions au loin sur la pleine mer, apprenant sous leur direction à conduire une barque, talent dans lequel ils égalaient et surpassaient peut-être tous les marins de l’empire britannique. Cet exercice avait des charmes pour Mordaunt, indépendamment de la pêche.

À cette époque, les vieux sagas norwégiens, loin d’être oubliés, étaient répétés souvent par les pêcheurs, qui conservaient encore entre eux la vieille langue norse que parlaient leurs aïeux. Dans les sombres récits de ces histoires Scandinaves, il y avait de quoi captiver une jeune oreille ; et les histoires classiques de l’antiquité étaient égalées au moins, sinon surpassées, dans l’opinion de Mordaunt, par les étranges légendes de Berserkars, de rois des mers, de nains, de géants, et de sorciers, qu’il entendait des naturels shetlandais. Souvent les endroits où il se trouvait lui étaient désignés comme le théâtre où s’était passée l’action de ces poèmes sauvages, à demi récités, à demi chantés par des voix aussi rauques, sinon aussi fortes que les vagues de ces parages : tantôt la ballade désignait la haie même que l’on traversait comme le lieu d’un sanglant combat en mer ; un monceau de pierres, presque imperceptible, qui apparaissait sur un cap avancé, était la citadelle et le château d’un comte puissant, ou d’un fameux pirate ; une pierre grise, éloignée et seule au milieu d’un marais immense, marquait la tombe d’un héros ; une caverne sauvage, sous laquelle la mer

  1. Herbe marine qui croît sur les fentes des rochers. a. m.