Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/294

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les vieilles bonnes gens norses… Ah ! si Norna avait toujours demeuré chez ses parents et n’eût pas recherché la compagnie de ses connaissances écossaises, elle n’aurait jamais connu Vaughan, et bien des choses ne seraient pas arrivées… mais alors je n’aurais pas connu, moi, votre digne mère, Brenda… et cela, « ajouta-t-il, tandis qu’une larme brillait dans ses yeux, « m’aurait épargné un bonheur court et un long chagrin. — Norna n’aurait que mal rempli près de vous la place de ma mère, comme compagne ou comme amie… du moins à en juger par tout ce que j’entends dire, » dit Brenda avec quelque hésitation. Mais Magnus, apaisé par le souvenir de son épouse chérie, lui répondit avec plus d’indulgence qu’elle ne s’y attendait.

« Alors, dit-il, j’aurais été content d’épouser Norna. C’eût été éteindre une ancienne haine… cicatriser une vieille plaie. Tous nos parents le souhaitaient, et dans ma position, ne connaissant pas votre digne mère, j’étais assez disposé à suivre ce conseil. Il ne faut pas juger de Norna ou de moi d’après ce que nous sommes l’un et l’autre aujourd’hui… elle était jeune et belle, et moi folâtre comme un daim des montagnes, me souciant peu du port où j’arriverais : car, comme je le pensais, plus d’un port me tendait les bras. Mais Norna préféra ce Vaughan, et, comme je vous l’ai dit, c’était peut-être la plus grande faveur qu’elle me pouvait faire. — Ah ! pauvre parente ! s’écria Brenda ; mais croyez-vous, mon père, au pouvoir surprenant qu’elle s’attribue… À la vision mystérieuse du nain…. à la… »

Elle fut interrompue dans ces questions par Magnus, à qui elles étaient évidemment désagréables.

« Je crois, Brenda, dit-il, ce qu’ont cru mes ancêtres… je ne prétends pas être plus sage qu’ils ne l’étaient dans leur temps, et ils croyaient tous que, par suite de grandes infortunes en ce monde, la Providence ouvrait les yeux de l’esprit et permettait aux malheureux de lire dans l’avenir. La pauvre Norna a le cœur plus chargé d’amertume qu’il n’en faut pour balancer les dons qu’elle peut avoir reçus au milieu de ses malheurs. Ces dons lui sont aussi pénibles, pauvre femme ! qu’une couronne d’épine le serait à son front, fût-elle la couronne du Danemarck. Et vous, Brenda, ne cherchez pas à devenir plus sage que vos pères. Votre sœur Minna, avant d’être malade, avait autant de respect pour tout ce qui est norse que pour la bulle du pape qui est tout écrite en pur latin. — Pauvre Norna ! s’écria encore Brenda ; et son enfant, ne l’a-t-on jamais retrouvé ? —