Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/295

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— Et que sais-je de son enfant ? » dit l’udaller d’un air plus mécontent qu’auparavant, « sinon qu’elle fut très malade avant et après ses couches, quoique nous entretinssions sa gaîté le mieux possible à l’aide des flûtes et des harpes… L’enfant était venu avant terme dans ce monde bruyant ; il est donc probable qu’il est depuis longtemps mort… Mais vous ne connaissez rien à toutes ces affaires-là, Brenda. Avancez donc plus vite, petite sotte, et ne m’adressez plus de questions sur des choses qu’il ne vous sied pas de savoir. »

En parlant ainsi, l’udaller fit sentir l’éperon à son petit mais robuste palefroi, et prit le galop sans regarder si la route était belle ou laide, certain que l’instinct du bidet et la fermeté de son pas défiaient hardiment toutes les difficultés du terrain ; il vint se placer à côté de la mélancolique Minna, et rendit ainsi la conversation générale. Brenda ne put se consoler qu’en espérant (car la maladie de sa sœur paraissait avoir son siège dans l’imagination) que les remèdes recommandés par Norna pourraient avoir quelque chance de réussite, puisque, selon toute probabilité, ils s’adresseraient à la partie malade.

Ils n’avaient encore guère traversé que des marais et des champs de mousse, variant leur route de temps à autre par la nécessité où ils se trouvaient de tourner la pointe de ces longs lacs appelés wocs, qui s’avancent dans le pays et le coupent de telle sorte que, quoique Main-Land puisse avoir au moins trente milles de longueur, il n’existe aucune partie de cette île qui soit à plus de trois milles de l’eau salée. Mais ils approchaient alors de l’extrémité nord-ouest, et gravissaient une immense chaîne de rochers qui avait, pendant des siècles, résisté à la rage de l’océan du Nord, et à celle de tous les vents qui viennent s’y briser.

Enfin, Magnus cria à ses filles : « Voici la maison de Norna !… Regardez, Minna, mon amour, car si cela ne vous fait pas rire, vous ne rirez jamais.. Avez-vous jamais vu créature vivante, autre qu’une orfraie, qui se fût bâti un nid comme celui-là !… Par les os de mon patron, il est impossible qu’un être sans ailes, et doué de raison, ait jamais pu s’y loger, à moins que cet endroit ne soit le Frawa-Stack de Papa où la fille du roi de Norwége s’était enfermée pour se dérober à ses amants… Et tout cela ne servit à rien, si l’histoire est vraie[1] ; car, mes filles, il est bon que vous sachiez qu’il est difficile d’empêcher les étoupes de prendre feu.

  1. Le Frawa-Stack, ou rocher de la jeune Fille, roc inaccessible, séparé par un golfe étroit de l’île de Papa. Au faîte on aperçoit quelques ruines, sur lesquelles il existe une histoire semblable à celle de Danaé. w. s.