Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/308

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à ses hôtes : « L’invisible ne veut pas être oublié… il exige un tribut même dans un ouvrage pour lequel il ne donne rien… Farouche souverain des nuages, tu entendras aussi la voix de la Reim-Kennar. »

En parlant ainsi, Norna rejeta le plomb dans le creuset où le métal mouillé siffla et frémit en touchant les parois rouges du vase, et fut bientôt réduit de nouveau en fusion. Cependant la sibylle se dirigea vers un coin de l’appartement, et ouvrant une fenêtre qui regardait le nord-ouest, laissa pénétrer les rayons brillants du soleil alors situé sur le même plan qu’une grande masse de nuages rouges, présage d’une tempête prochaine, qui occupait l’extrémité de l’horizon, et semblait peser sur les vagues d’une mer sans bornes. Se tournant de ce côté d’où s’échappait alors le sourd gémissement d’une brise encore faible, Norna s’adressa à l’esprit des vents d’un ton qui semblait répondre au sien :

Toi qui, sur les flots orageux,
Du pêcheur pousses la nacelle
À travers la vague infidèle,
Lui donnant l’essor que tu veux ;
Toi qui, lorsque la mer te brave,
D’un banc, d’un écueil dangereux,
Arraches le navire esclave :
Te crois-tu par moi négligé,
Lorsque j’honore tous tes frères ?
Eh bien ! ai-je donc ménagé
Mes cheveux gris, que tu préfères ?
Je les arrache en ton honneur :
Emporte-les, souffle vainqueur !

Norna accompagna ces paroles de l’action qu’elle décrivait, arrachant avec violence une mèche de ses cheveux, et l’éparpillant au vent, à mesure qu’elle récitait ces vers. Elle ferma ensuite la croisée et plongea de nouveau la chambre dans le jour douteux qui convenait à son caractère et à son occupation. Le plomb fondu fut versé encore une fois dans l’eau, les différentes formes bizarres qu’il reçut de cette opération furent soigneusement examinées par la sibylle qui parut enfin annoncer du geste et de la voix que son charme avait réussi. Elle choisit parmi les différents morceaux du métal un fragment de la grosseur d’une petite noix, dont la forme ressemblait assez à un cœur humain, et s’approchant de Minna, elle chanta :

Celle qui est assise auprès de la fontaine