Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/351

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est perdu tout comme le jeune garçon dont je viens de vous parler. Voilà Magnus Troil, je le nomme avec respect, qui monte à cheval ; voilà le plaisant Claude Halcro qui saute dans une barque, lui qui manœuvre le plus mal de tous les Shetlandais, attendu que les vers lui trottent toujours par la tête ; voilà le facteur sur le qui-vive (le facteur écossais, cet homme qui parle toujours de fossés, de rigoles et de pareils travaux sans profit, qui n’aboutiront à rien), le voilà aussi qui se met en campagne ; si bien que vous pourriez dire, d’une certaine façon, qu’une moitié des habitants de Mainland est perdue, et que l’autre court les champs pour la retrouver… les vilains temps ! »

Le capitaine Cleveland avait contenu sa colère, et écouté cette tirade du digne marchand avec impatience, il est vrai, mais non sans un peu d’espérance d’attraper quelque chose qui le concernât lui-même ; mais Bunce commençait à se fâcher à son tour. « Les habits ! s’écria-t-il, les habits ! les habits ! les habits ! » accompagnant chacune de ces exclamations d’un moulinet de sa canne, dont l’habileté consistait à approcher le plus possible des oreilles du colporteur, sans réellement le toucher.

Le colporteur, se rétrécissant à chacune de ces démonstrations, s’écriait : « Holà ! monsieur… bon monsieur… digne monsieur… Quant aux habits… je trouvai la digne dame dans un grand chagrin à cause de son vieux maître, à cause de son jeune maître, et à cause du digne capitaine Cleveland ; à cause de l’affliction de la famille du digne fowd, et à cause de l’inquiétude du digne fowd lui-même au sujet du facteur, et à propos aussi de Claude Halcro ; enfin, pour bien d’autres causes et sujets, nous mêlâmes nos chagrins et nos larmes avec une bouteille, comme porte le texte saint ; nous appelâmes pour nous conseiller le Kauzellaer, un digne homme, qu’on appelle Niel Ronaldson, qui jouit d’une bonne réputation… »

Ici fut fait un nouveau moulinet si serré que la canne frisa l’oreille du colporteur. Il recula, et la vérité, ou ce qu’il voulait que l’on considérât comme tel, sortit enfin de sa bouche sans plus de circonlocutions : ainsi un bouchon, après avoir inutilement frémi et bourdonné, s’élance hors d’une bouteille de bière mousseuse.

« Bref, que diable voulez-vous savoir de plus ?… La femme m’a vendu la caisse d’habits… elle m’appartient, puisque je l’ai achetée, et cela je le soutiendrai à la vie, à la mort. — En d’autres termes, dit Cleveland, cette vieille et avare coquine a eu l’impudence de vendre ce qui ne lui appartenait pas ; et vous, honnête