Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les habitants d’un certain rang avaient formé entre eux, par suite de l’isolement de cette contrée et de leurs mœurs naturellement hospitalières, une vraie communauté de famille. Un poète errant, quelque peu musicien, qui, après avoir passé par diverses chances de fortune, était revenu finir ses jours, comme il pourrait, dans ses îles natales, avait célébré les filles de Magnus dans un poème intitulé : La Nuit et le Jour, et dans le portrait de Minna, on pourrait croire qu’il avait imité par anticipation, quoique dans une esquisse grossière, ces vers délicieux de lord Byron :


« Elle marche dans sa beauté, comme la nuit des climats sans nuage et des cieux étoilés. Tout ce qu’il y a de plus pur dans l’azur sombre et la lumière étincelante se réunit dans son aspect et dans ses yeux ; et de tout ce mélange résulte cette lueur si tendre que le ciel refuse à la magnificence du jour. »


Magnus aimait si parfaitement les deux sœurs, qu’il eût été difficile de dire celle qu’il chérissait le plus ; peut-être préférait-il l’aînée dans une promenade en pleine campagne, et la plus jeune au coin du feu. Il désirait davantage la société de Minna quand il était triste, et celle de Brenda quand il était joyeux : ou, ce qui revenait au même, il préférait Minna avant midi, et Brenda le soir lorsque la bouteille avait fait la ronde.

Mais il était extraordinaire que les affections de Mordaunt Mertoun semblassent se partager avec autant d’impartialité que celles du père entre les deux aimables sœurs. Depuis son enfance, comme nous l’avons remarqué, il avait presque toujours fréquenté l’habitation ne Magnus à Burgh-Westra, quoiqu’elle fût à trente milles environ de Jarlshof. La contrée inaccessible qui séparait ces deux demeures s’étendait sur des montagnes remplies de fondrières cachées qu’un terrain mouvant ouvrait sous les pas ; elle était entrecoupée par des bras de mer qui s’enclavaient dans l’île, d’un côté ou d’un autre, aussi bien que par des torrents et des lacs : c’était donc une route difficile et qui devenait périlleuse dans la mauvaise saison. Pourtant, aussitôt que l’état d’esprit de son père lui permettait de s’absenter, Mordaunt, à ses risques et périls, s’acheminait vers Burgh-Westra, et terminait le voyage en moins de temps qu’il n’en aurait fallu au meilleur marcheur de toute l’île.

Il était reçu parmi le public shetlandais que Mordaunt était l’amant d’une des filles de Magnus ; et quand on songeait à la grande partialité du vieil udaller pour le jeune homme, personne ne doutait qu’il ne pût aspirer à la main de l’une ou de l’autre de ces célèbres beautés, aussi bien qu’à une bonne part d’îlots, de