Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/38

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maître Mordaunt sur ses propres sentiments. « Il serait plaisant, ma foi, concluait-on d’ordinaire, qu’un étranger, ne possédant aucune ressource connue, se permît d’hésiter, et affectât de pouvoir choisir entre les deux plus fameuses beautés des îles Shetland ; si on était à la place de Magnus Troil, ou aurait bientôt tiré cette affaire au clair. » Toutes ces remarques se faisaient seulement à voix basse, car le caractère de l’udaller conservait trop de la vivacité et de la rudesse norse, pour qu’il n’y eût point de péril à se mêler sans autorisation des affaires de sa famille. Telles étaient les relations qui unissaient Mordaunt Mertoun à la famille de M. Troil de Burgh-Westra, lorsque eurent lieu les incidents qui suivent.




CHAPITRE IV.

la tempête.


La matinée n’est pas favorable au pèlerin… Ce brouillard gris couvre montagne, vallon, plaine et forêt, comme le crêpe noir d’une veuve de nouvelle date ; et sur ma foi, bien que mon cœur soit bon, j’aimerais mieux entendre cette veuve pleurer et gémir, et rappeler les vertus du cher trépassé, que d’être exposé à la furie de la tempête qui jette au loin sa voix.
Les doubles Noëls.


Le printemps était fort avancé, quand, après une semaine passée en fêtes et en amusements à Burgh-Westra, Mordaunt Mertoun dit adieu à la famille, alléguant la nécessité de son retour à Jarlshof. Ce projet fut combattu par les jeunes filles, et plus décidément par Magnus lui-même. « Si M. Mertoun désirait voir son fils, » ce que Magnus ne pensait point, « M. Mertoun n’avait qu’à se jeter à la poupe de la barque de Sweyn, ou sauter à cheval, s’il aimait mieux voyager par terre, et il reverrait non seulement Mordaunt, mais encore vingt personnes qui seraient très satisfaites de s’assurer qu’il n’avait pas entièrement perdu l’usage de la langue pendant une si longue solitude ; quoique je doive avouer, ajouta Magnus, que quand il vivait parmi nous, personne ne parlait moins que lui. »

Mordaunt tomba d’accord de la taciturnité de son père et de son aversion pour les grandes sociétés, mais il prétendit en même temps que ces circonstances rendaient un retour immédiat d’autant plus nécessaire, puisqu’il était le canal ordinaire de communication entre son père et les autres ; et puisque M. Mertoun ne jouissait de