Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/380

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bitants pensaient qu’un pareil traité empêcherait bien mieux toute dispute entre eux et les étrangers, que n’aurait pu faire la voie douteuse d’un appel aux armes.

Pendant que le cortège s’avançait à pas lents, Triptolème eut le temps d’étudier la tournure, la physionomie et l’habillement des hommes auxquels il avait été ainsi livré, et il commença à croire qu’il y avait dans leurs regards, non seulement une expression générale de cruauté et de barbarie, mais encore quelques intentions sinistres, particulièrement dirigées contre lui-même. Il était surtout effrayé par l’air féroce de Goffe qui, lui serrant le bras d’une main dont la délicatesse pouvait ressembler à la pression des tenailles d’un forgeron, lui lançait d’obliques regards comparables à ceux que l’aigle jette sur la proie qu’il a saisie, avant de commencer à la plumer. Enfin, les craintes d’Yellowley lui firent tellement perdre sa présence d’esprit, qu’il demanda naïvement à son terrible conducteur, d’une voix qu’étouffaient les sanglots : « Capitaine, allez-vous m’assassiner, malgré toutes les lois divines et humaines ? — Tenez-vous tranquille, si vous êtes sage, « répondit Goffe, qui avait ses raisons pour désirer accroître encore la terreur panique de son captif ; « nous n’avons pas assassiné un seul homme depuis trois mois, pourquoi donc nous y faire penser ? — Ce n’est qu’une plaisanterie, j’espère, bon et digne capitaine ? répliqua Triptolème. C’est pis que les sorcières, les nains, les baleines soustraites et les barques culbutées tout ensemble !… C’est saccager une récolte par esprit de vengeance… Au nom du ciel, quel bien vous en reviendra-t-il quand vous m’aurez égorgé ? — C’est toujours une espèce d’amusement, reprit Goffe ; regardez ces gaillards en face, et dites-moi si vous en voyez un seul parmi eux qui ne préférât tuer un homme à rester les bras croisés ?… Mais nous parlerons de cela plus au long, lorsque vous aurez goûté de nos fers… À moins pourtant que vous n’arriviez avec une bonne et belle poignée de dollars du Chili pour votre rançon. — Aussi vrai que je vis de pain, capitaine, ce maudit nain difforme a emporté toute ma corne d’argent. — Un fouet à neuf lanières de cuir vous la fera bien retrouver ; frotter et étriller les épaules est une excellente recette pour remettre en mémoire un homme de bon sens… Un bon câble serré autour du crâne, jusqu’à ce que les yeux sortent de la tête, est aussi un assez bon moyen. — Capitaine, » répliqua Yellowley avec véhémence, « je n’ai pas d’argent… un innovateur peut rarement en avoir… nous changeons les pâturages en terre labourable, l’orge