Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/384

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Le matin suivant ils se remirent en marche sous de meilleurs auspices, et côtoyant les îles de Stronsa, dont les rivages unis, verdoyants et comparativement fertiles, formaient un contraste frappant avec les montagnes nues et les sombres rochers de leurs propres îles, ils doublèrent le cap Lambhead et se trouvèrent sur la droite ligne de Kirkwall.

Ils étaient à peine entrés dans la jolie baie qui sépare Pomona de Spanisha, et les deux sœurs admiraient l’église massive de Saint-Magnus, car c’était de là seulement qu’on commençait à l’apercevoir au dessus des bâtimens moins élevés de la ville, quand les yeux de Magnus et ceux de Claude Halcro furent attirés par un objet qui leur sembla plus intéressant. C’était un sloop armé, avec toutes ses voiles au vent, qui venait de lever l’ancre dans la baie, et courait sous le vent contre lequel luttait le brick de l’udaller.

« Par les os de mes ancêtres, le beau navire ! s’écria l’udaller ; mais je ne puis dire de quel pays, car il n’arbore aucune couleur. Construction espagnole à ce qu’il me semble. — Oui, oui, répondit Claude Halcro, il en a tout l’air. Il court sous le vent contre lequel il nous faut lutter, c’est toujours ainsi dans le monde. Comme dit le glorieux John,

Avec un vaste pont et des canons terribles
Dont la bouche aplanit chaque vague en élan,
C’est dans son cours hardi sur les gouffres horribles,
Une guêpe de mer volant sur l’Océan. »

Brenda ne put s’empêcher de dire au poète, lorsqu’il eut récité la stance avec beaucoup d’enthousiasme, « que quoique la description convînt mieux à un vaisseau de premier rang qu’à un sloop, pourtant la comparaison avec une guêpe de mer n’était guère applicable à l’un ni à l’autre. — Une guêpe de mer ! » reprit Magnus en apercevant avec quelque surprise que le sloop changeant de direction venait subitement sur eux. « Corbleu ! je souhaite qu’elle ne nous montre pas dans un instant qu’elle a un aiguillon. »

Ce que l’udaller avait dit en plaisantant devint bientôt une chose sérieuse ; car, sans arborer de pavillon, sans héler le brick, le sloop tira deux coups de canon à boulets, dont l’un passa en bondissant sur l’eau précisément le long de l’avant des Shetlandais, tandis que l’autre traversa la grande voile. Magnus saisit un porte-voix et demanda au sloop qui il était et ce que signifiait cette agression qu’il n’avait pas provoquée. On lui répondit seulement par cet ordre sévère : « Baissez la voile du perroquet sur-