Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/393

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j’étais le meilleur prince Prettyman qui monta jamais sur les planches…


Tantôt prince, et tantôt fils d’un simple pêcheur.


Mais revenons à nos affaires… Écoutez-moi, bonhomme, » dit-il en s’adressant à Magnus, « vous montrez contre moi une mauvaise humeur pour laquelle bien de mes confrères vous couperaient les oreilles et les feraient griller pour votre dîner avec du poivre rouge. J’ai vu Goffe en faire tout autant à un pauvre diable qui avait l’air fâché et menaçant parce qu’il voyait son sloop aller rendre visite à Davy Jones avec son fils unique à bord. Mais je suis d’une autre trempe, moi ; et si nous vous traitons mal, vous et vos filles, ce sera la faute des habitants de Kirkwall, non la mienne, et ce sera de toute justice. Mieux vaut donc que vous les informiez de la situation et des circonstances où vous êtes réduits… c’est aussi fort juste. »

Magnus, se rendant à ce conseil, prit la plume et tâcha d’écrire ; mais sa force d’âme luttait si mal contre son inquiétude paternelle, que sa main refusa de faire son devoir. « Je ne puis rien écrire, » dit-il après avoir tracé une ou deux lignes illisibles ; « je ne puis former une lettre quand toutes nos vies en dépendraient. »

Et il ne put réussir, malgré tous ses efforts, à maîtriser l’émotion convulsive qu’il éprouvait et qui agitait son corps. Le saule qui plie échappe mieux à la tempête que le chêne qui résiste ; c’est ainsi que, dans les grandes calamités, il arrive quelquefois que des esprits légers et frivoles reprennent leur élasticité et leur vigueur beaucoup plus vite que des caractères plus élevés. En cette occasion, Claude Halcro fut heureusement capable d’accomplir la tâche dont son ami et patron ne pouvait s’acquitter. Il prit la plume, et en aussi peu de mots que possible il exposa la situation où ils se trouvaient, et les affreux périls auxquels ils étaient exposés, donnant à entendre en même temps aux magistrats du pays, aussi délicatement qu’il put l’exprimer, que la vie et l’honneur de leurs concitoyens devaient être pour eux un objet beaucoup plus important que l’arrestation même ou le châtiment des coupables ; il eut cependant soin d’adoucir autant que possible cette dernière expression, dans la crainte de donner de l’ombrage aux pirates.

Bunce lut la lettre, qui obtint heureusement son approbation ; et, en voyant le nom de Claude au bas, il s’écria avec la plus grande surprise, et en employant des expressions beaucoup plus énergi-