Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/413

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connaissance, » reprit Norna en l’interrompant, « est le mot de tout le monde, et les mots sont la monnaie commune que les fous reçoivent en paiement de la part des fripons ; mais Norna veut être payée par des actions… par des sacrifices. — Eh bien ! la mère, que désirez-vous ? — Que vous ne cherchiez jamais à revoir Minna Troil, et que vous quittiez ces parages dans vingt-quatre heures.

— C’est impossible ; je n’aurais pas le temps de me procurer les provisions dont le sloop a besoin. — Vous aurez le temps, je veillerai à ce que vous soyez abondamment pourvu de tout ; au reste, vous n’êtes pas éloigné de Caithness ni des Hébrides… Vous pouvez donc partir si vous le voulez. — Et pourquoi partirais-je, si je ne veux pas partir ? — Parce qu’en restant ici vous exposeriez d’autres personnes et causeriez votre propre ruine. Écoutez-moi avec attention ; dès la première fois que je vous vis étendu sans connaissance sur le rivage au bas du Sumburgh-Head, je lus sur votre physionomie des présages qui vous liaient intimement à moi et à ceux qui m’étaient chers ; mais était-ce en bien ou en mal, mes yeux ne pouvaient le découvrir. J’ai contribué à vous sauver la vie… à vous conserver vos richesses. J’ai secondé, en agissant ainsi, le jeune homme que vous avez traversé dans ses plus tendres affections, en répandant contre lui des faits controuvés et des calomnies.

— Moi ! calomnier Mordaunt Mertoun ! s’écria le capitaine ; par le ciel j’ai à peine mentionné son nom à Burgh-Westra, si c’est ce dont vous voulez parler. Ce drôle de Bryce, ce colporteur qui voulait, je crois, devenir mon ami, parce qu’il espérait, grâce à moi, augmenter son petit avoir, a raconté au vieux Magnus, comme je l’ai su ensuite, des choses qui, vraies ou fausses, ont été confirmées par la rumeur publique de toute l’île ; mais pour moi, je n’ai jamais pensé avoir un rival en lui, autrement j’aurais pris un moyen plus honorable de m’en débarrasser. — La pointe de votre poignard à double tranchant, dirigée contre le sein d’un homme sans armes, était-ce là votre plus honorable moyen ? » demanda Norna d’un ton sévère.

La conscience de Cleveland fut troublée par ce reproche ; il garda un instant le silence avant de répliquer. « Oui, j’ai eu tort ; mais il est rétabli, grâce au ciel, et peut exiger de moi une honorable satisfaction. — Non, Cleveland ! dit la pythonisse, le mauvais génie dont vous êtes l’instrument est fort puissant, mais il ne prévaudra pas contre moi. Vous êtes d’un caractère que les influences malignes désirent trouver dans ceux qu’elles prennent pour agents ; hardi,