Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/417

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tion. Il tâcherait alors d’obtenir le bénéfice de la grâce accordée par le roi, et de se distinguer, s’il était possible, dans des combats plus honorables.

Cette résolution, dans laquelle il s’affermit de plus en plus, eut enfin l’effet consolant d’apaiser le trouble de son âme, et, enveloppé de son manteau, il goûta quelque temps ce repos imparfait que la nature épuisée réclame même de ceux qui se trouvent au comble des plus imminents dangers. Mais en admettant que le coupable puisse calmer sa conscience et chasser le sentiment du remords par un repentir conditionnel, nous pouvons nous demander si ce n’est pas, aux yeux du ciel, plutôt une présomption aggravante qu’une expiation de ses péchés.

Lorsque Cleveland s’éveilla, l’aurore grisâtre se mêlait déjà au crépuscule d’une nuit des Orcades. Il se trouva au bord d’une belle nappe d’eau qui, près de l’endroit où il avait dormi, était divisée par deux langues de terre qui s’avancent l’une vers l’autre des deux rives opposées du lac, et sont pour ainsi dire unies par le pont de Broisgar, longue chaussée percée de larges ouvertures qui laissent passer le flux et le reflux. Derrière lui et en face du pont était ce demi-cercle d’énormes pierres droites qui n’ont point de rivales dans l’empire britannique, excepté l’inimitable monument du Stonehenge. Ces immenses blocs de pierres, dont la plupart avaient douze pieds et plusieurs même quatorze ou quinze de hauteur, environnaient le pirate à la lueur pâle du crépuscule, comme les fantômes de géants antédiluviens qui, revêtus des habillements de la mort, viennent visiter, par cette clarté grisâtre, la terre qu’ils avaient tourmentée et souillée par leurs crimes, jusqu’au moment où ils attirèrent sur eux la vengeance d’un Dieu si long-temps insulté.

Cleveland trouva moins d’intérêt dans ce singulier monument d’antiquité que dans la vue éloignée de Stromness, qu’il ne pouvait encore distinguer qu’à peine. Il ne perdit pas de temps pour allumer du feu au moyen d’un de ses pistolets, et quelques brins de fougère humide lui fournirent les matériaux nécessaires pour faire le signal convenu. On l’avait soigneusement épié à bord du sloop ; car l’incapacité de Goffe devenait chaque jour plus évidente ; et même ses plus chauds partisans avouaient qu’il valait mieux reconnaître Cleveland pour capitaine jusqu’à ce qu’on fût retourné aux Indes occidentales.

Bunce, qui vint avec la chaloupe chercher son commandant fa-