Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/426

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Goffe ? répondit Derrick. — Ma foi il a tété si long-temps et si souvent dame bouteille, qu’il n’est plus bon à rien, répliqua le contremaître. Il ne vaut guère mieux qu’une vieille femme quand il n’a pas bu, et c’est un fou furieux quand il est ivre… Nous avons assez tâté de Goffe. — En ce cas, pourquoi vous ou moi, contre-maître, ne nous mettrions-nous pas sur les rangs ? demanda Derrick. Nous tirerons au sort si vous voulez. — Non pas, non, » répondit le contre-maître, après avoir réfléchi un instant, « si nous étions près des vents alisés, nous pourrions nous tirer d’affaire ; mais pour aller jusque-là il nous faut toute l’adresse de Cleveland ; je pense donc que pour le moment, le projet de Bunce est le meilleur. Écoutez, il crie qu’on mette la chaloupe en mer, il faut que j’aille sur le pont, et que je la fasse descendre en son honneur ; que le diable l’enlève ! »

La chaloupe fut donc mise en mer, traversa le lac sans accident, et débarqua Bunce à quelques centaines de pas du vieux château de Stennis. En arrivant du côté de la façade, il remarqua que des mesures avaient été prises à la hâte pour mettre la maison en état de défense. Les fenêtres d’en bas étaient barricadées, avec des ouvertures laissées à dessein pour les décharges de l’artillerie, et un canon de vaisseau était pointé de manière à commander la porte d’entrée, qui en outre était gardée par deux sentinelles. Bunce demanda qu’on lui ouvrît la porte, ce qui lui fut refusé en peu de mots et sans cérémonie ; on l’exhorta en même temps à vaquer à ses propres affaires avant qu’il lui arrivât pis. Comme il continuait cependant ses sollicitations importunes, suppliant qu’on lui permît de parler à quelqu’un de la maison, et déclarant que son affaire était de la nature la plus urgente, Claude Halcro parut enfin, et avec une aigreur qui ne lui était pas habituelle, l’admirateur du glorieux John reprocha à son ancien ami ce fol entêtement.

« Vous êtes, dit-il, comme ces sots papillons qui tournent autour d’une chandelle jusqu’à ce qu’ils s’y brûlent. — Et vous, répliqua Bunce, vous êtes un essaim de bourdons sans aiguillon, que nous pouvons enfumer et chasser de vos retranchements, dès qu’il nous plaira, avec une demi-douzaine de grenades. — Enfumer une tête de fou ! dit Halcro. Suivez mon conseil, veillez à vos propres affaires, où il viendra bientôt certaines gens qui sauront vous enfumer vous-même. Décampez vite, ou dites-moi en deux mots ce que vous voulez ; car vous ne devez pas vous attendre à être salué ici autrement qu’à coups de mousquet. Nous avons déjà assez de monde