Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/427

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ici, et voici le jeune Mordaunt Mertoun qui arrive de l’île d’Hoy, Mordaunt que votre capitaine a failli assassiner. — Bah ! l’ami, répliqua Bunce, il lui a tiré seulement un peu de mauvais sang. — Nous n’avons pas besoin de tels phlébotomistes ici, repartit Claude Halcro ; et d’ailleurs, il paraît que votre victime va s’allier à nous de plus presque ni vous ni moi ne le pensions. Ainsi vous pensez qu’il est peu probable que le capitaine ou les hommes de son équipage soient les bienvenus ici. — Soit ; mais si j’apporte le prix des provisions qu’on nous a envoyées à bord ? — Gardez votre argent jusqu’à ce qu’on vous le demande, dit Halcro. Il y a deux espèces de mauvais payeurs… ceux qui paient trop tôt et ceux qui ne paient pas du tout. — Mais permettez au moins que j’aille remercier votre généreux ami. — Gardez aussi vos remercîments jusqu’à ce qu’on vous les demande. — Et c’est là tout l’accueil que je reçois de vous, de mon ancienne connaissance ? — Mais que puis-je faire pour vous, monsieur Altamont ? » dit Halcro un peu ému… « si le jeune Mordaunt avait pu agir à son gré, il vous aurait accueilli cent fois plus chaudement. Pour l’amour de Dieu, partez, autrement le coup de théâtre se fera : les gardes entrent et saisissent Altamont. — Je ne vous en donnerai pas la peine, répliqua Bunce, je vais faire ma sortie à l’instant… Ah ! arrêtez encore ; j’allais oublier que j’ai un morceau de papier pour la plus grande de vos jeunes filles… Minna, oui, Minna est son nom… c’est un adieu du capitaine Cleveland… vous ne pouvez refuser de vous en charger. — Ah, pauvre diable ! dit le poète… je comprends… Adieu, belle Armide.

Au milieu des boulets, des tempêtes, des feux,
Le danger est moins grand que devant vos beaux yeux.


Mais dites-moi… sont-ce des vers que contient ce billet ? — Il est plein jusqu’au cachet de chansons, de sonnets et d’élégies, répondit Bunce ; mais remettez-le avec précaution et secret. — Fi donc ! m’apprendre à remettre un billet doux ! moi qui suis allé au café des Beaux-Esprits, qui ai entendu tous les toasts du club de Kit-Cat[1]. Je le remettrai à Minna par égard pour mon ancienne connaissance, M. Altamont, et pour votre capitaine aussi, qui ne tient pas tant du diable que son métier pourrait le faire croire. Il ne peut y avoir de mal dans une lettre d’adieu. — Adieu donc, mon vieil ami, pour une éternité et un jour ! » dit Bunce ; et saisissant la main du poète,

  1. Le nom de ce club whig à Londres lui vint de Christophe Cat, pâtissier qui lui fournissait les petits pâtés d’obligation dans les repas des membres réunis. a. m.