Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/434

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Il s’agenouilla, accablé par l’amertume de ses remords, pour saisir la main qu’elle lui tendait. En cet instant son confident Bunce, sortant de derrière un des gros blocs de pierre, les yeux mouillés de larmes, s’écria :

« Je n’ai jamais vu au théâtre une scène d’adieu si touchante ! Mais — — ! vous ne ferez point votre sortie comme vous vous y attendez. »

À ces mots, avant que Cleveland pût recourir aux représentations ou à la résistance, avant même qu’il pût se relever, Bunce se rendit aisément maître de lui, en le renversant sur le dos ; aussitôt deux ou trois hommes de l’équipage de la chaloupe le saisirent par les bras et les jambes, et se mirent à l’entraîner vers le lac. Minna et Brenda jetèrent des cris et tentèrent de fuir, mais Derrick attrapa la première comme un faucon s’empare d’un pigeon, tandis que Bunce, avec un ou deux jurements par manière de consolation, s’empara de Brenda, et toute la troupe, augmentée de deux ou trois autres pirates qui s’étaient tenus en embuscade, courut précipitamment vers la barque, où étaient restés deux matelots. Cependant leur fuite fut interrompue et leur criminel projet ne put s’exécuter.

Lorsque Mordaunt Mertoun avait ordonné à tous ses gens de prendre les armes, c’était dans l’intention bien naturelle de veiller à la sûreté des deux sœurs. Ils avaient donc observé les mouvements des pirates, et quand ils les virent en si grand nombre quitter la chaloupe et se glisser vers le lieu du rendez-vous assigné à Cleveland, ils soupçonnèrent naturellement quelque trahison. Cachés dans une espèce de fossé ou chemin creux, qui peut-être avait dépendu autrefois du monument circulaire, les Orcadiens se placèrent sans être aperçus entre les pirates et leur barque. Aux cris des deux sœurs, ils sortirent de leur cachette et se jetèrent sur le chemin des bandits, en les couchant en joue, mais sans oser tirer, de peur de blesser les deux jeunes filles, retenues comme elles l’étaient par les mains vigoureuses des maraudeurs. Mordaunt s’élança sur Bunce avec la légèreté d’un daim sauvage ; le pirate ne voulant pas lâcher sa proie, mais ne pouvant se défendre, tournait Brenda d’un côté et puis d’un autre, l’exposant aux coups dont Mordaunt le menaçait. Cette défense devint bientôt inutile contre un jeune homme qui pouvait se vanter d’avoir le pied le plus léger et la main la plus active des îles Shetland ; après une feinte ou deux Mordaunt renversa le pirate à terre d’un coup de la crosse de sa carabine,