Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/451

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pier des mains de sa parente, et le parcourut d’abord d’un air confus, comme si elle n’y comprenait rien… puis avec un commencement de souvenir… puis enfin avec des transports de joie mêlés de chagrin, elle le laissa tomber de ses mains. Minna ramassa la lettre, et se retira dans sa chambre avec son trésor.

Depuis ce jour, Norna parut prendre un caractère tout différent : elle adopta pour ses vêtements un genre plus simple et moins imposant. Son nain fut congédié après avoir amplement reçu de quoi vivre. Elle ne témoigna plus aucune envie de continuer sa vie errante, et ordonna que son observatoire de Fitful-Head, comme on peut l’appeler, fût démoli. Elle ne répondit plus au nom de Norna, et voulut qu’on l’appelât de son véritable nom d’Ulla Troil. Mais il s’opéra encore en elle un changement plus important. Autrefois épouvantée par les remords de sa conscience et par le désespoir où l’avaient plongée les circonstances de la mort de son père, elle semblait s’être considérée comme hors de la grâce divine ; en outre, livrée aux vaines sciences occultes qu’elle prétendait exercer, ses études, comme celles du médecin de Chaucer, ne portaient pas souvent sur la Bible. Maintenant le livre sacré la quittait rarement, et lorsque de pauvres gens venaient, dans leur ignorance, la consulter comme autrefois, et invoquer son pouvoir sur les éléments, elle se contentait de répondre : « Les vents sont dans le creux de sa main. » Sa conversion ne fut peut-être pas entièrement selon la raison ; l’état de son esprit troublé par une telle complication d’événements horribles s’y opposait sans doute ; mais elle semblait sincère, et fut certainement utile. Elle parut se repentir amèrement de ses tentatives présomptueuses pour diriger le cours des choses humaines, réglé par des puissances bien supérieures, et elle témoignait une vive componction lorsque ses anciennes prétentions étaient, d’une manière ou d’une autre, rappelées à sa mémoire. Elle montrait encore une tendresse toute particulière pour Mordaunt, quoique ce fût peut-être par habitude ; et il n’était pas aisé de savoir si elle se rappelait bien ou mal les événements compliqués où elle avait joué un si grand rôle. Quand elle mourut, quatre ans environ après les derniers incidents que nous avons rapportés, on trouva que, cédant aux vives instances de Minna, elle avait légué son immense fortune à Brenda Troil. Une de ses dernières volontés fut qu’on livrât aux flammes tous les livres, tous les instrumens de son laboratoire, et tous les objets qui avaient rapport à ses anciennes études.