Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/55

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imaginer un prétexte qui pût autoriser le refus d’un abri à un voyageur par un temps si horrible. Enfin, voyant que son vacarme et ses vociférations n’aboutissaient à rien, il s’éloigna de l’édifice, assez pour apercevoir les cheminées, et au milieu de la tourmente et de l’orage, il s’assura, à son grand déplaisir, qu’aucune fumée ne sortait des tuyaux, quoiqu’il fût à peu près midi, heure ordinaire du dîner aux Shetland.

L’impatience colérique de Mordaunt se changea aussitôt en sympathie et en frayeur. Habitué depuis si long-temps à l’hospitalité libérale des îles Shetland, il fut naturellement conduit à supposer que quelque terrible désastre était arrivé à cette famille ; il se mit, en conséquence, à chercher un endroit par où il pourrait entrer de force, et s’assurer ainsi de la position où se trouvaient les habitants, aussi bien que se garantir de la tempête toujours croissante. Son inquiétude était pourtant aussi peu fondée que ses derniers cris à la porte avaient été vains. Triptolème et sa sœur avaient entendu tout le tapage du dehors, et avaient déjà entamé une vive dispute sur la nécessité d’ouvrir.

Miss Baby, telle que nous l’avons décrite, ne se conformait pas très volontiers aux lois de l’hospitalité. Dans leur ferme de Cauldacres, dans les Mearns, elle avait été la terreur et l’effroi de tout vagabond, colporteur, et égyptien, de tout mendiant de profession, et gens de pareille espèce ; et pas un d’entre eux n’avait été assez fin, comme elle s’en vantait, pour avoir droit de dire qu’il eût jamais entendu le bruit de son loquet. Les nouveaux débarqués ne connaissaient point encore l’honnêteté excessive et l’extrême simplicité des insulaires de toutes les classes ; la méfiance et la crainte se joignaient à l’avarice naturelle de Baby pour lui faire désirer qu’on exclût toujours les voyageurs inconnus. Le second de ces motifs agissait aussi sur Triptolème qui, sans être peureux ni avare, savait que les bonnes gens étaient rares, les bons fermiers plus rares encore, et il avait une part raisonnable de cette sagesse qui fait considérer le soin de sa propre conservation comme la première loi de la nature. Ce préambule peut servir d’explication au dialogue suivant qui eut lieu entre le frère et la sœur :

« Maintenant nous n’avons plus à nous plaindre, » dit Triptolème qui s’amusait à feuilleter le vieux Virgile qu’il avait rapporté de l’école ; « voici un beau temps pour nos épis à longue barbe !… le sage poète de Mantoue a raison…

Ventis surgentibus,